Avec la loi Rebsamen, l’inaptitude du salarié serait désormais plus facile à gérer : leurre ou réalité ?

par Bertrand Merville

Au retour des congés, à la faveur de quelques commentaires parfois maladroits, de nombreux employeurs ont cru que la loi Rebsamen votée en plein été avait assoupli les contraintes entourant l’inaptitude des salariés.

l est exact que la gestion d’une telle situation, qui correspond à l’incapacité physique ou mentale à tenir tout ou partie de son poste, est souvent complexe. Etabli par le seul médecin du travail, l’avis d’inaptitude s’impose à l’employeur qui doit alors impérativement rechercher une solution de reclassement avant d’envisager un éventuel licenciement du collaborateur inapte. A défaut de recherche, la rupture du contrat est considérée comme infondée (Cass. soc. 26 janvier 2005. n° 03-40.332) et des indemnités conséquentes, voire une réintégration, sont inévitables. En cas de conflit, c’est à l’entreprise de prouver la réalité et le sérieux de la recherche. Deux écueils se révèlent à ce stade :

• Le cadre du reclassement : il est étendu car il vise l’entreprise, le groupe ou même, par exemple, les franchises dès lors qu’une permutation du personnel est possible (Cass. Soc. 19 mai 1998. n° 96-41.265). Il faut donc veiller à interroger par écrit toutes ces entités et bien attendre toutes les réponses. Des sociétés sont trop fréquemment condamnées faute de rigueur dans ces démarches.

• La recherche concerne tous les cas d’inaptitude : la tentative de reclassement est absolue, y compris lorsque l’avis médical mentionne : « inaptitude définitive à tout poste – reclassement impossible ». Aucune exception n’est admise.

Ce dernier cas d’inaptitude à tout poste surprend souvent les employeurs, s’estimant en effet contraints de mener une procédure fastidieuse et risquée alors que le résultat ne fait aucun doute compte tenu de l’avis médical. Cette incompréhension, proche parfois de l’agacement, a sans doute contribué à la rumeur estivale selon laquelle les obligations auraient été récemment allégées.

Méfiance ! L’évolution est en effet minime et finalement bien incertaine. Désormais, dès lors que le médecin du travail aura expressément précisé sur son avis que « tout maintien du salarié dans l’entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé », le licenciement sera possible sans recherche préalable de reclassement. Une grande vigilance s’impose, au vu des interrogations suscitées par le texte :

• Mentionnée au seul article L. 1226-12 du Code du travail, l’exception de recherche de reclassement ne bénéficie qu’aux salariés dont l’inaptitude est d’origine professionnelle, c’est- à-dire énoncée à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle. La simplification est donc pour le moins circonscrite !

• La vérification du libellé de l’avis médical est impérieuse. L’expérience judiciaire dans des domaines proches montre que le caractère incomplet d’une mention légalement exigée rend nul le licenciement qui s’en suit. • Enfin, l’exonération annoncée semble inutile pour les sociétés comprises dans un groupe puisque la mention imposée ne vise que le maintien dans l’entreprise, et non dans un cadre plus large. Les employeurs ne doivent donc pas baisser la garde au moment où ils recevront un avis d’inaptitude, au risque de voir les licenciements considérés comme infondés ou nuls. L’embellie attendue risque donc en l’état de rester très mesurée.

A l’avenir toutefois, rien n’interdit aux Tribunaux de montrer, dans ce domaine aussi, leur aptitude à articuler efficacement règle de droit et réalité opérationnelle.

Bertrand Merville
Avocat associé La Garanderie
www.lagaranderie.fr