#MagCAPIDF : « Nous allons créer l’Académie du Grand Paris dédiée à la formation »

Entretien avec Éric Berger, Président du MEDEF Île-de-France

 » NOUS ALLONS CRÉER L’ACADÉMIE DU GRAND PARIS DÉDIÉE À LA FORMATION « 

PRAGMATISME ET EFFICACITÉ SERONT LES FILS CONDUCTEURS DE L’ACTION DU MEDEF ÎLE-DE-FRANCE EN 2017. ÉRIC BERGER, SON PRÉSIDENT, RAPPELLE LA NÉCESSITÉ DE LIBÉRER L’ENTREPRISE POUR RÉTABLIR LA CONFIANCE ET D’UNE PLUS FORTE CONCERTATION ENTRE TOUS LES ACTEURS ÉCONOMIQUES POUR DES RÉSULTATS PROBANTS. UN PRÉSIDENT OFFENSIF ET DÉTERMINÉ QUI ANNONCE LA CRÉATION PROCHAINE D’UNE ACADÉMIE DU GRAND PARIS DÉDIÉE À LA FORMATION SUR LES MÉTIERS D’AVENIR GÉNÉRÉS PAR CE PROJET STRUCTURANT.
ENTRETIEN
MALGRÉ DES INDICATEURS MACRO-ÉCONOMIQUES PLUS FAVORABLES, DONT BÉNÉFICIENT DÉJÀ NOS PRINCIPAUX PARTENAIRES EUROPÉENS, POURQUOI L’ACTIVITÉ NE REPART-ELLE PAS EN FRANCE ?

La principale cause est le manque de confiance en la politique menée. Si les premières baisses de charges ont permis de redonner de la trésorerie à nos entreprises, elles sont encore loin d’avoir récupéré les marges nécessaires pour réinvestir et réembaucher. D’autant que nous venons de connaître quatre années d’instabilité fiscale qui ont soufflé le chaud et le froid. L’écart de compétitivité avec nos principaux concurrents est toujours à notre désavantage et la priorité des dirigeants dans un climat d’incertitude renforcé par le contexte électoral, demeure de préserver avant tout leurs entreprises et leurs salariés.

QUEL EST LE CONTEXTE ÉCONOMIQUE EN ÎLE-DE- FRANCE EN CE DÉBUT D’ANNÉE ?

Même si certains secteurs continuent de tirer leur épingle du jeu, les indicateurs sont au rouge. Les événements tragiques de 2015 et 2016 ont eu des impacts très négatifs pour la première région touristique du monde, qui a subi une désaffection des touristes étrangers. Secteur le plus emblématique de cette situation, l’hôtellerie-restauration a connu une baisse de son chiffre d’affaires de 16 à 25 %.

Un climat morose qui a eu des répercussions sur d’autres secteurs de notre économie, comme le commerce, les salons et congrès, les transports, et bien évidemment les lieux touristiques. À cela s’ajoutent les décisions de restriction de la circulation automobile prises par la Mairie de Paris, sans la moindre concertation.

Qu’il s’agisse de la fermeture des voies sur berge ou de la chasse aux véhicules diesel, ces mesures pénalisent nos entreprises et leurs salariés en augmentant les temps de déplacement et en créant de nouvelles charges liées au remplacement de leur flotte de véhicules utilitaires, particulièrement difficiles à supporter par les petites entreprises. Même si nous comprenons la nécessité de lutter efficacement contre la pollution, nous souhaiterions que le monde économique soit plus étroitement associé aux prises de décisions qui ont un impact sur son activité.

« Il faut supprimer le CDD et instaurer un nouveau contrat de travail unique »

SUR LE FRONT DE L’EMPLOI, QU’EST-CE QUI BLOQUE ET EXPLIQUE QUE NOUS NE PARVENIONS PAS À RETROUVER LES CHEMINS DU PLEIN EMPLOI ?

Avant tout le manque de souplesse de notre marché du travail, qui ne permet pas de faire face aux fluctuations des besoins de nos entreprises. Le CDI sous sa forme actuel est beaucoup trop contraignant, ce qui explique l’attentisme en matière d’embauche et l’augmentation du recours au CDD. La première version de la loi El Khomri aurait permis de nous libérer de ce carcan, en offrant notamment un cadre plus clair en matière prud’homale avec la mise en place de plafonds, nous savons hélas ce qu’il en est advenu. L’une des premières mesures du futur gouvernement devrait être de supprimer le CDD et d’instaurer un nouveau contrat de travail unique permettant tout à la fois à l’entreprise de s’adapter plus rapidement aux demandes du marché et au salarié de retrouver facilement une activité en cas de ralentissement dans son entreprise. De quoi restaurer la confiance dont nous parlions précédemment.

JUSTEMENT, QU’ATTENDEZ-VOUS DU DÉBAT PRÉSIDENTIEL ET DE LA FUTURE MAJORITÉ ?

Il faut tout d’abord en finir avec les « mesurettes » et s’attaquer aux problèmes de fond pour redonner de la crédibilité à l’action politique. La priorité est de créer un environnement législatif et réglementaire favorisant le développement de l’entreprise et de l’emploi, par la fin des 35 heures, l’allègement des charges pour remettre le coût du travail au même niveau que nos partenaires européens, une vraie réforme du marché de l’emploi et du code du travail. Quand j’entends certains candidats parler d’un revenu universel financé par les entreprises, qui érige l’assistanat au rang d’institution, je me demande s’ils ont conscience des réalités que nous vivons tous les jours. C’est pourquoi en matière d’emploi et de formation, j’appelle à une plus large concertation de l’ensemble des acteurs socio- économiques avec les entreprises, pour dégager des solutions adaptées aux besoins réels du marché. À ce titre, l’apprentissage et l’alternance qui sont plébiscités tant par les entreprises que les étudiants, doivent devenir une priorité des politiques de formation pour éviter que des milliers de jeunes ne se retrouvent chaque année sur des voies de garage. Il faut également redonner du pouvoir d’achat aux salariés pour relancer la consommation et pénaliser les gains de la spéculation au profit de l’investissement dans l’économie réelle.

« En matière d’emploi et de formation, j’appelle à une plus large concertation de l’ensemble des acteurs socio-économiques avec les entreprises, pour dégager des solutions adaptées aux besoins réels du marché »

INTERPELLEREZ-VOUS LES CANDIDATS À LA PRÉSIDENTIELLE SUR CES SUJETS ?

C’est l’échelon national qui sera en première ligne, mais le MEDEF Île-de-France sera étroitement associé à cette démarche. Nous souhaitons entre-autre un éclaircissement des positions de chacun sur le mille-feuille administratif qui pénalise le bon développement de la région. Il devient urgent de redéfinir les domaines de compétences et les financements. Une bonne gouvernance et la cohérence des politiques d’aménagement, supposent que le périmètre de la métropole du Grand Paris épouse celui de la région. Le MEDEF Île-de-France entend bien être le coordinateur des actions et propositions de nos territoires sur ces sujets, à l’occasion des prochaines législatives.

LE NOUVEL EXÉCUTIF RÉGIONAL FAIT DU DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE UNE PRIORITÉ. LA DONNE A-T-ELLE VÉRITABLEMENT CHANGÉ POUR LE MONDE DE L’ENTREPRISE ?

Depuis l’arrivée de Madame Pécresse à la tête de la Région, les relations sont devenues permanentes. Nous sommes consultés sur les principaux sujets qui interagissent avec l’activité économique. Nous avons été associés à l’élaboration du SRDEII (Schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation) ainsi qu’à la cellule travaillant sur l’attractivité de la région, pour une meilleure connaissance du tissu économique sur lequel les entreprises étrangères peuvent s’appuyer pour s’implanter en Ile-de-France. Une approche qui se décline aussi dans les domaines de la formation et des transports. À ce titre, nous avons demandé à entrer au Conseil d’Administration du STIF, puisque les entreprises financent plus de 50 % de son budget et que leurs salariés sont les premiers usagers des transports.

QUELLES SERONT VOS PRIORITÉS EN 2017 ?

La formation et l’emploi seront les deux sujets majeurs de mobilisation. C’est ainsi que sur les grandes plateformes d’emploi d’Ile-de- France, nous serons facilitateur de contacts entre les grands acteurs économiques tant publics que privés, afin de mieux faire coïncider l’offre et la demande.

Ce souci d’efficacité guidera aussi la préparation de nos deux grands forums dédiés à l’emploi (pour les seniors dont le taux de chômage ne cesse de progresser et les jeunes avec la Fête de l’Alternance) dont l’ambition première sera de les ramener dans le monde du travail. Nous comptons sur la Direccte et Pôle emploi, pour leur trouver des postes ou des formations sur des secteurs porteurs. La construction du Grand Paris, puis l’exploitation et la maintenance de ce réseau de transport, vont générer des besoins immenses en matière de BTP, d’ingénierie, d’informatique, de services… Une chance qu’il nous faut saisir pour redynamiser le tissu économique et offrir de nouvelles perspectives à notre jeunesse. C’est pourquoi nous allons lancer dans les prochaines semaines une « Académie du Grand Paris » dédiée à la formation sur les métiers que nécessite cette infrastructure. Inspirée de l’Académie du Grand Londres qui a fait ses preuves, elle sera financée en partie par la société du Grand Paris et associera l’ensemble des acteurs économiques.

Une académie prospective qui se positionnera en particulier sur les métiers du numérique, sans oublier les besoins premiers en matière de construction.

 « Le Grand Paris est une chance qu’il nous faut saisir pour redynamiser le tissu économique et offrir de nouvelles perspectives à notre jeunesse »

VOS AUTRES DOMAINES D’INTERVENTION…

Nous veillerons à une meilleure coordination de nos actions ayant pour but la défense de nos entreprises, avec l’ensemble des MEDEF territoriaux qui seront les premiers bénéficiaires des succès remportés. Les échéances électorales sont pour nous l’occasion de les sensibiliser à la nécessité d’interpeller davantage leurs députés et sénateurs sur les questions structurantes pour le territoire francilien. Toujours dans l’optique d’être plus forts et mieux entendus des politiques, nous renforcerons notre coopération avec la CCI Paris Île-de-France et son nouveau Président, Didier Kling, notamment sur les questions de l’ouverture à l’international et du soutien à l’innovation. Enfin nous agirons pour que les engagements en matière de construction de logement soient tenus et qu’ils répondent à un meilleur équilibre entre les territoires pour rapprocher domicile et lieu de travail.

 

Paru dans CAP’IDF N°60