FLORENCE SERVAN-SCHREIBER

Tribune : Quant on ne peut pas s’en empêcher !

Je vis une aventure professionnelle extraordinaire. Dans 4 semaines exactement, je déporte tout mon savoir-faire, accumulé au cours d’une carrière entière, sur une scène de théâtre. La fabrique à Kifs est une master class exceptionnelle sur le bonheur, montée dans la joie, parce que je ne pouvais pas m’en empêcher.

Comment se retrouve-t-on là ? Difficile de généraliser, mais dans ce cas précis, en ayantabordé mille virages, apprentissages, approfondissements, défaites et redirections, au cours des 30 dernières années.Je dois aussi beaucoup à l’autolucidité qui s’est installée à chaque étape de cette épopée.

Je suis tentée de considérer que LA vie professionnelle qui m’attendait a commencé, pour de vrai, il y a 5 ans seulement. Lorsque je me suis assise pour écrire mon premier livre de psychologie positive : 3 kifs par jour. Est-ce le succès du livre, ou le fait de m’être trouvée dans mon élément, qui a déclenché la spirale qui allait suivre ? Probablement une combinaison des deux. Françoise Sagan disait : «  Le succès, c’est quand on fait une proposition au monde, et que le monde est d’accord. » C’est ce qui s’est passé.

3 kifs par jour relate mon apprentissage, sincère et réaliste des clés que nous donne la science, sur le bonheur. J’étais alors au chômage, la crise étant passée par mon activité. Je me suis servie de tout ce que j’ai compris, pour me remettre en mouvement.

Le plus formidable effet secondaire, quand on trouve son élément, c’est de ne plus avoir peur. Repartie de rien, j’avais juste à me lancer. En mettant un pied devant l’autre. En laissant remonter les réflexes et compétences accumulées dans mes vies passées : parler, apprendre, raconter, enseigner, moderniser. Mais au passage, j’ai laissé éclater ma fantaisie, ma liberté et ma vision personnelle de la pédagogie.

La politesse, lorsqu’on donne des conseils aux autres, consiste, à mon sens à commencer par se les appliquer. Alors j’ai joué à cela. A observer mes fonctionnements à l’aide d’un périscope positif fixé sur mes activités. Je me suis écoutée écrire, regarder parler et sentie manager. J’ai appris à faire la différence entre ce qui se fait et ce que je fais. Toujours préférerle naturel.

Le livre a entraîné des conférences, puis des ateliers, d’autres livres et une académie en ligne. J’ai repris l’école qu’avait créé mon cousin David Servan-Schreiber, après son décès. Cet évènement m’a mis un formidable coup de pied au derrière. Une propulsion supplémentaire. La contrainte a ses vertus.

Depuis, nous avançons. Développements, inventions, contributions. Je ne me savais pas dirigeante, mais, de fait, je le suis devenue. La légèreté s’obtient, pour moi, au prix d’un travail, immense et profond.

Je n’ai jamais autant travaillé de ma vie, parce que je n’ai jamais eu aussi peu la sensation de travailler. Pour quelqu’un qui se pensait paresseuse, je réalise combien tout est une histoire d’énergie, de centrage et de justesse.

Lors d’un séminaire que j’ai suivi en Angleterre, son animateur nous a demandé : « Que vouliez-vous faire, quand vous étiez petits ? »

« Julie Andrews » est sortie de ma bouche. Je voulais être Julie Andrews, l’actrice de Marie Poppins et de la Mélodie du bonheur. Je voulais courir dans la montagne et sur les toits de Londres en chantant à tue-tête. Une fois que je me suis entendue dire cette phrase, je ne pouvais la ravaler.

La fabrique à Kifs est ma réponse à ce jour-là. Petite, je voulais enfiler un costume et avoir peur sur scène, pour apporter de la joie. Voilà, j’avance désormais vers tout cela à grand pas. Pourquoi ? Parce que lorsqu’on tend l’oreille, il n’est probablement jamais trop tard de s’avouer que profondément, il y a des choses vers lesquelles on ne peut pas s’empêcher d’aller.

Je ne suis plus une jeune fille, et je m’en réjouis, car seule une femme expérimentée, cabossée et déterminée pouvait m’offrir ce rêve d’enfant. Alors, de nos parcours soyons fières et reconnaissantes, car c’est la route qui nous permet de devenir et d’exprimer le fond de qui nous sommes.

Florence Servan-Schreiber