Guerre commerciale États-Unis / Chine : danger sur la croissance mondiale

Article paru dans #MagCAPIDF, novembre 2019

Le bras de fer commercial entre Washington et Pékin, qui soufflent simultanément le froid et le chaud, est l’une des causes principales du ralentissement général de la croissance mondiale, selon l’OCDE et le FMI. Pas sûr que le compromis arraché mi-octobre change la donne.

 « Le ralentissement des échanges de marchandises dans le monde, qui n’ont progressé en volume que de 1 % au premier semestre, du jamais vu depuis 2012, est bel et bien l’un des symptômes préoccupants des tensions commerciales », souligne la chef économiste du FMI, Gita Gopinath. Pour appuyer ses propos, l’institution a fait paraître ses prévisions annuelles, d’où il ressort que le rythme de progression du PIB mondial (3 %) « est le plus faible depuis la crise financière de 2008 – 2009 ». Un ralentissement généralisé puisque les pays affichant une croissance en recul cette année représentent 90 % du PIB planétaire. Selon le FMI, les barrières douanières mises en place depuis 2018 raboteraient, en 2020, le PIB mondial de 700 milliards de dollars, soit l’équivalent de la richesse annuelle produite par la Suisse (0,8 % du PIB mondial). Une analyse partagée par les experts de l’OCDE qui tablent sur une croissance de 2,9 % au mieux pour 2020. Un climat économique morose renforcé par la montée des tensions dans le golfe ou les incertitudes du Brexit qui se traduira pour l’Europe par une croissance atone de 1,3 %.

« Le rythme de progression du PIB mondial (3 %) est le plus faible depuis la crise financière de 2008 – 2009 ».

L’efficacité des sanctions mise en doute

Les nouveaux tarifs douaniers minent la confiance des entreprises et des investisseurs et désorganisent les chaînes d’approvisionnement, tout en augmentant les coûts pour les producteurs et les consommateurs, précise la banque JP Morgan, qui n’a pas manqué de rappeler que l’ensemble des surtaxes douanières envisagées par l’administration américaine, coûterait 1 000 dollars à chaque consommateur américain sur une année. Une situation qui, à long terme, n’est pas tenable. 600 dirigeants d’entreprise et associations professionnelles américaines ont d’ailleurs exhorté le président Trump à négocier un accord solide avec la Chine. Les droits de douane, selon eux, ne représentent pas une arme efficace pour contraindre le président chinois Xi Jinping de modifier ses « pratiques commerciales déloyales ». Pire, ces taxes sont « payées directement par les compagnies américaines », mettant en danger la croissance de l’activité dans le pays et l’emploi de millions de salariés.

Une Chine à la peine

L’industrie, qui avait été au cœur des « quarante glorieuses » chinoises, est frappée de plein fouet par la guerre commerciale qui se traduit par une baisse des exportations. La croissance cette année devrait être la plus lente depuis trente ans. La plupart des principaux indicateurs économiques – vente de voitures, immobilier, taux d’investissements – peinent à rebondir malgré de nombreuses mesures de relance. « Nous devons avoir à l’esprit que l’instabilité et les incertitudes au niveau international sont de plus en plus importantes », a commenté sobrement un porte-parole du Bureau officiel de la statistique. Autre conséquence du climat tendu entre la Chine et les États-Unis : la baisse des investissements américains, en recul de 18 %. Les entreprises américaines prévoient aussi de délocaliser une partie de leur production. Certains grands noms de la distribution tels Best Buy ou Home Depot ont déjà annoncé qu’ils cherchaient des alternatives à la Chine. Pour Thierry Wolton, essayiste spécialiste de la Chine, ce mouvement ne peut pas être imputé aux seules tensions commerciales. « La Chine est aujourd’hui présente sur tous les marchés dans le monde sans avoir pour autant ouvert entièrement ses frontières aux entreprises étrangères. Considéré à l’origine comme une aubaine, l’investissement dans l’ex-empire du Milieu est devenu un chemin de croix pour nombre de sociétés occidentales (taxes, quotas de production, opacité du management, corruption, etc.). Beaucoup d’entre-elles choisissent de s’en dégager alors que l’économie chinoise marque le pas. »

« Les droits de douane, mis en place depuis 16 mois, frappent 360 milliards de dollars d’importations chinoises »

Un signe d’apaisement ?

L’esquisse d’accord, annoncée mi-octobre entre Pékin et Washington, inversera-t-elle la tendance ? On peut en douter. Déjà parce que le compromis appelé « Phase 1 » maintient les droits de douane, mis en place depuis 16 mois, qui frappent 360 milliards de dollars d’importations chinoises, et donc la pression sur Pékin. La seule concession faite par l’administration américaine est de ne pas avoir appliqué de sanctions supplémentaires. Rien n’a été cédé sur la question sensible de l’interdiction faite à Huawei d’acquérir de la technologie américaine. Par ailleurs, ce compromis jusqu’ici verbal, ne met pas un terme à l’incertitude sur les chaînes d’approvisionnement des industries américaines qui plombe leurs investissements depuis plusieurs mois. Enfin, question cruciale, comment passer à la « Phase 2 » ? Celle-ci est censée comprendre des concessions de Pékin en matière d’interdiction de transferts forcés de technologie et de subventions publiques aux secteurs stratégiques, qui constituent le principal objectif du négociateur américain Bob Lighthizer, représentant de la Maison Blanche pour les questions commerciales. Le président chinois Xi Jinping pourrait être tenté d’attendre de voir si Donald Trump est réélu en novembre 2020, avant de faire la moindre concession. À suivre…

Paru dans #MagCAPIDF

 

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