Le Grand Paris Express produira des briques écolos

Article paru dans #MagCAPIDF, mars 2020

Moins de 40 % des terres excavées sur les chantiers du Grand Paris Express sont aujourd’hui valorisées. Cela pourrait prochainement changer avec l’ouverture à Sevran, d’une usine de fabrication de briques en terre issue des déblais.

D’ici à la fin du projet Grand Paris Express, ce sont près de 50 millions de tonnes de déblais qui seront produites pour ériger les tunnels, gares et autres ouvrages annexes. La Société du Grand Paris promet une deuxième vie à la majorité de ces déchets et compte en valoriser au moins 70 %. Mais quatre ans après les premiers coups de pioches, on est loin de la promesse initiale. Sur les 5,27 millions de tonnes de déblais déjà extraites, seules 2 millions de tonnes environ ont été valorisées. Soit un taux de 38 %.

Une matière première bêtement gâchée

Outre les terres du Grand Paris Express, on estime à 400 millions de tonnes, les déblais produits entre 2018 et 2030 en Île-de-France, selon les chiffres du Plan régional de prévention et de gestion des déchets issus des chantiers du bâtiment et des travaux publics (Predec), voté par la Région en 2015. Jusqu’à présent, comme la loi considère que ces terres de chantier sont un déchet, elles ne sont recyclées que très partiellement, souvent pour vallonner des parcs urbains, comme ce fût le cas au Parc Georges Valbon à La Courneuve. La majeure partie est en réalité transportée sur des décharges, parfois à plus de cent kilomètres du lieu d’excavation. Un énorme gâchis, contre lequel l’usine qui sera bâti à Sevran (Seine-Saint-Denis), entend lutter. « L’idée est de créer un cercle vertueux, en fabriquant des briques en terre crue, que l’on utilisera pour les nombreuses constructions à venir, et ce sur un secteur pas plus large que la région », explique Silvia Devescovi, responsable du projet Cycle terre pour la ville de Sevran.

« L’usine produira 8 000 tonnes par an de briques en terre crue, de panneaux extrudés, du mortier et des enduits »

Utiliser la terre crue pour construire des logements

Il est vrai que les projets ne manquent pas en matière de renouvellement urbain. Dans le département, rien que sur Sevran et Aulnay-sous-Bois, 2 700 logements pourraient être construits dans le cadre du Grand Quartier, sur les quinze années à venir. Pour cela, pas besoin de changer la loi, il suffit de s’appuyer sur celle qui régit la valorisation des déchets. « La terre crue est utilisée depuis des siècles dans la construction selon les techniques du pisé, de la bauge ou de l’adobe », rappelle Sylvia Devescovi. L’usine de Sevran, dont le nom officiel est la Fabrique Cycle Terre, sera construite près de la gare RER des Beaudottes. Une subvention européenne de 5 millions d’euros a d’ores et déjà été actée pour son financement. Elle devrait employer une douzaine de personnes dans un premier temps et permettre la formation de 200 autres. Production espérée : 8 000 tonnes par an de briques en terre crue, de panneaux extrudés (à l’usage proche des cloisons en plâtre) mais aussi du mortier et des enduits. « Un tel matériau, fabriqué localement, présentera une empreinte écologique bien plus faible que le béton — dont le sable utilisé pour le mélange parcourt des milliers de kilomètres — sans compter que la fabrication de briques en terre crue, qui ne nécessite pas de cuisson, présente une faible dépense énergétique », ajoute encore Silvia Devescovi.

« On estime à 400 millions de tonnes, les déblais produits entre 2018 et 2030 en Île-de-France »

Principal bénéficiaire : l’habitat

À quoi servira cette production inédite made in Grand Paris ? « Habitat social et privé, équipements publics : nous voulons en faire un matériau de construction commun pour les promoteurs, les bailleurs, les collectivités », poursuit Sylvia Devescovi. Objectif : construire 300 logements entre l’automne 2020 (période espérée de mise en service de l’usine) et 2022. Ainsi, des premiers liens ont été noués avec les promoteurs intervenant dans le projet Terre d’avenir, un nouveau quartier de Sevran. En Île-de-France, quelques chantiers ont déjà utilisé la terre crue, comme l’école Paul-Langevin, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne), ou des équipements d’espaces publics à Paris (XXe). D’ici 2030, Ivry-sur-Seine ambitionne de bâtir un quartier entier dans cette matière. Autant de « projets vitrines » pour enclencher une dynamique. L’ambition des concepteurs de cette usine est d’ailleurs de faire de la terre crue un matériau commun de construction, pas du one shot. Ils espèrent qu’elle devienne un réflexe pour les promoteurs, les collectivités, et les bailleurs.

 

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