Santé au travail : Les troubles psychosociaux

par Guillaume Verdier, avocat

GuillaumeVERDIER (1)Les suicides chez France Telecom et Renault ont créé une émotion forte au sein de l’opinion publique et relancé la question de la prévention des troubles psychosociaux au sein des entreprises.

L’accent a été mis sur les entreprises de plus de 1.000 salariés, invitées par le Directeur Général du Travail à engager des négociations sur le sujet avant le 1er février 2010.

Le 23 février 2010, Monsieur Xavier Darcos, alors Ministre du Travail, publiait sur le site du Ministère la liste des sociétés de plus de 1.000 salariés qui, au 1er février 2010, n’avaient pas encore ouvert de négociation ou mis en place de plan d’action.

Cette réaction dans l’urgence avait fait l’objet de vives critiques car, pour parvenir à un accord efficace, il convient, dans ce domaine très complexe, de créer tout d’abord un climat de confiance au sein de l’entreprise.

La publication avait alors été retirée du ministère dès le lendemain.

Par delà l’attention portée sur les entreprises de 1.000 salariés et plus, les partenaires sociaux ont finalisé, le 26 mars 2010, la négociation sur le harcèlement et la violence au travail.

Il ressort de cet accord, applicable à toute entreprise quelle que soit sa taille, que le harcèlement et la violence au travail peuvent trouver leur origine dans l’organisation du travail.

La Cour de Cassation l’avait affirmé pour la première fois dans un arrêt du 10 novembre 2009, énonçant qu’un système de management pouvait être générateur de harcèlement moral, le harcèlement moral ne supposant plus un acte de malveillance intentionnel (Cass. Soc., 10 novembre 2009, n°07-45.321).

Cette évolution très récente, tant de la Jurisprudence que des partenaires sociaux, tend à reconnaître que certaines pathologies peuvent trouver leur origine dans les modes d’organisation du travail.

Ceci n’est pas neutre car, à l’avenir, employeurs, Chsct, médecins du travail, Cram et experts vont devoir repenser le travail de prévention des risques psychosociaux.

Les risques judiciaires pour les entreprises peuvent être conséquents.

Un salarié peut ainsi prendre acte de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur ou saisir le Conseil des Prud’hommes pour demander la résiliation judiciaire de son contrat, en raison de manquements de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat.

De plus, le salarié peut formuler auprès de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie une demande de reconnaissance du caractère professionnel d’une pathologie qu’il impute par exemple à des faits de harcèlement sur son lieu de travail.

Dans la mesure où il ne s’agit pas d’une maladie professionnelle répertoriée dans un tableau, une telle pathologie ne peut toutefois être reconnue comme maladie professionnelle que si elle est essentiellement et directement causée par le travail (article L.461-1, 4e alinéa, du Code de la Sécurité sociale).

Ainsi, d’autres causes à l’origine du trouble psychosocial constitueront un obstacle à sa reconnaissance comme maladie professionnelle, par exemple lorsque le salarié souffre d’antécédents médicaux (Cass. Civ. 2e, 13 décembre 2005, n°05-12.284), alors que, dans le cas d’une maladie professionnelle répertoriée dans un tableau des maladies professionnelles, il suffit que la maladie soit directement causée par le travail, même s’il existe d’autres facteurs de maladie.

En outre, lorsque la maladie n’est pas répertoriée dans un tableau des maladies professionnelles, une procédure spécifique doit être respectée.

Si, à l’issue de cette procédure, le caractère professionnel du trouble est pris en charge par la Sécurité Sociale, la victime peut encore poursuivre l’employeur en faute inexcusable devant le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale pour obtenir une majoration de sa rente et des dommages et intérêts limitativement énumérés par le Code de la Sécurité sociale.

Enfin, les poursuites pénales ne peuvent être écartées sur le fondement du délit de mise en danger de la personne d’autrui, délit puni d’un an d’emprisonnement et de 15.000 € d’amende, par l’article 223-1 du Code Pénal.