Prévenir et gérer un impayé : nouvelle fonction des chefs d’entreprise ?

par Gisèle Cohen, avocat à la Cour

Prévenir et gérer un impayé : nouvelle fonction des chefs d’entreprise ?

A priori un chef d’entreprise devrait avoir pour activité principale, celle de trouver et fidéliser ses clients. Mais une fois cette étape bien difficile franchie, il faut s’assurer que le client paye. Les chefs d’entreprise sont régulièrement confrontés à cette difficulté.

Plusieurs causes :

Une législation  de plus en plus rigoureuse sur le formalisme  du contrat.

Les débiteurs sont également de plus en plus informés sur les moyens d’échapper aux paiements (explosion des forums de discussions et contestations systématiques des obligations…).

La lenteur et le coût d’une procédure en  justice dissuadent parfois le créancier de poursuivre.

La présente étude a pour but de donner quelques clés rapides et efficaces pour éviter en amont les impayés et agir rapidement si le risque est avéré.

  1. Prévenir l’impayé 

Cette démarche essentielle est pourtant souvent négligée. Or, plus nous avons d’informations sur le débiteur, plus le recouvrement  sera  simplifié.

  1. Connaitre son client
  • Le client est un particulier

Il convient dès le premier rendez-vous de recueillir le  maximum d’informations sur le  client, adresse, situation personnelle, marié, célibataire, enfant, n° de sécurité sociale, adresse et lieu de travail (nom et adresse de l’employeur)

Il faut savoir que  le lieu de travail est  parfois plus stable que le lieu d’habitation et lorsqu’un  débiteur  reçoit un acte d’huissier sur son lieu de travail cela a un impact important : il devra en rendre compte à son employeur.

De plus si l’on connait l’employeur on peut effectuer une saisie sur salaire !

  • Le client est une société

Là encore, il ne faut pas hésiter à recueillir le maximum d’informations.

L’une des plus pertinentes est de connaître les clients de vos clients ! En effet en cas de saisies infructueuses vous pouvez obtenir le paiement directement entre les  mains des clients de votre débiteur.

En outre, consulter régulièrement la situation financière de votre client vous permet de savoir  s’il est toujours in bonis  et vous permettra de réfléchir à la poursuite des relations commerciales.

  1. L’importance de l’écrit : éviter toute contestation

La signature d’un contrat est bien entendu très importante et doit être systématique.

Il est essentiel de faire signer dès le premier rendez-vous un devis et de tenir régulièrement un  relevé de diligences après chaque prestation complémentaire.

Si vous êtes intervenu de manière informelle, pensez à l’issue du rendez-vous à faire  un mail rappelant : l’objet de la rencontre et un récapitulatif des demandes nouvelles ou complémentaires de votre client.

Plus le contrat ou l’engagement contractuel est clair et précis plus le règlement est facilité.

En pratique, le juge saisi se contente parfois de  quelques allégations du débiteur de mauvaise foi pour considérer que le professionnel n’a pas été diligent et rigoureux !

Il convient également lorsque l’on reçoit un premier règlement de son client de garder au moins une copie du chèque de règlement ou des références de virement si cela est possible car en cas d’impayé et obtention d’un titre : vous  pourrez directement opérer une saisie sur le compte bancaire dont nous avons gardé les références (vous économiserez des frais d’enquête)

Votre client ne paye pas à échéance, que faire ?

  1. La phase amiable
  2. La lettre de relance

Dès le premier retard, le professionnel a tout intérêt à relancer dans une lettre amiable le paiement des sommes dues à son client.

Si le professionnel n’obtient pas de réponse, il faut immédiatement  passer à l’étape supérieure (compte tenu du délai de prescription).

  1. La lettre de mise en demeure

La mise en demeure répond à un formalisme spécial et peut être rédigée soit par le professionnel soit par l’avocat de celui-ci.

Pour une efficacité plus importante il est préférable que la mise en demeure soit rédigée par un avocat : le débiteur constatera  que le professionnel est déterminé à aller jusqu’au bout et qu’il a les moyens de se défendre.

Contrairement à ce que l’on peut penser, le rôle de l’avocat  dans ce type de contentieux est d’éviter à tout prix d’enclencher la phase judiciaire.

En effet, le but est d’obtenir un règlement rapide de la créance, et le plus souvent après une lettre d’avocat nous pouvons voir le profil du débiteur.

Il peut s’agir d’un débiteur en difficulté qui ne conteste pas la dette et souhaite trouver une issue amiable.

Dans cette phase la présence  de l’avocat est privilégiée.

En effet,  si le débiteur est en difficulté et si parmi ses différentes dettes il reçoit une lettre d’avocat, il choisira ce créancier en priorité et c’est évidemment là qu’il faut intervenir.

Après une première lettre d’avocat il y a neuf chances sur dix pour que le débiteur réponde.

Au regard de sa réponse nous pourrons :

  • soit ouvrir un débat sur les factures impayées avec éventuellement prise en compte de contestations sérieuses ou non, sans aller devant le juge. Il conviendra alors de rédiger une transaction ayant une valeur de jugement pour éteindre le litige né entre les parties avec la mise en place de concessions réciproques.
  • Soit le débiteur répond et évoque des difficultés et nous pourrons alors mettre en place un plan d’échéancier avec déchéance du terme en cas de non paiement d’une seule échéance.

En revanche, si nous avons un mauvais payeur, la phase judiciaire sera inévitable.

  1. La phase amiable a échoué : que faire ?
  2. Agir vite : la prescription

Depuis  la loi du 17 juin 2008, le délai de prescription en droit commun est de 5 ans pour les actions personnelles ou mobilières (art 2224 du code civil). Ce délai concerne également les actions entre commerçants.

Pour les professionnels/ consommateurs : il y a un régime de la prescription abrégée : deux ans, quel que soit le service fourni (art L. 137-2 du code de la consommation).

Il s’agit d’une prescription extinctive ou libératoire puisque cette prescription libère le débiteur de sa dette.

La prescription est interrompue par :

  • La reconnaissance de la dette par le débiteur (article 2240 du Code Civil),
  • L’action en justice a pour effet d’interrompre la prescription et ce jusqu’à l’extinction de l’instance (c’est l’article 2241 et 2242 du Code Civil),
  • Un acte d’exécution forcée article 2244 du Code Civil (c’est le commandement de payer délivré par huissier.)

NB : Attention, il convient de préciser qu’une mise en demeure n’interrompt pas la prescription. En revanche, si un débiteur réagit à une mise en demeure et reconnaît la dette, cette reconnaissance de dette vaut interruption de la prescription.

  1. Quel type de procédure engager ?

Sans entrer dans les détails,  il convient de distinguer trois types de procédure :

  1. La procédure en injonction de payer

Cette procédure est simple, rapide et ne nécessite pas d’avocat.

Cette demande se présente sous forme de requête simple devant le tribunal compétent  (commercial ou civil).

Cette procédure n’est pas contradictoire de sorte que le débiteur  n’est ni informé ni convoqué, ni amené à présenter des observations.

Si au vu des éléments produits la demande lui paraît fondée en tout ou partie, le juge rend une ordonnance portant injonction de payer pour la somme qu’il retient.

Si le juge rejette la requête, sa décision est sans recours et le créancier devra alors porter sa demande devant la juridiction compétente via une assignation en justice.

  1. La procédure en référé

Cette procédure est  contradictoire. Le juge des référés est saisi par voie d’assignation.

Cette procédure est réservée  en  cas d’urgence ou d’absence de contestation sérieuse du débiteur.

L’ordonnance de référé ne tranche donc pas l’entier litige : on ne peut pas demander de dommages et intérêts en référé.

En revanche en l’absence d’urgence ou en présence de contestations sérieuses,  l’affaire devra donc être entendue au fond.

  1. La procédure au fond

La procédure est collégiale ou parfois en juge unique si les parties sont d’accord.

Le tribunal compétent  est le même qu’en référé.

L’instruction du dossier étant plus complète vous pouvez solliciter des demandes complémentaires de dommages et intérêts en plus de votre créance impayée.

Gisèle Cohen, avocat à la Cour
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Tel : 01 56  79 00 70