Retour sur les nouveaux délais créateurs de droits, pour les professionnels de l’immobilier et du BTP

par Jean-Olivier D’ORIA, avocat au Barreau de Paris

 Retour sur les nouveaux délais créateurs de droits, pour les professionnels de l’immobilier et du BTP, en matière administrative

À propos du Décret n° 2014-1300 du 23 octobre 2014 relatif aux exceptions à l’application du délai de deux mois de naissance des décisions implicites d’acceptation sur le fondement du II de l’article 21 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations (ministère du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité) 

Jean-Olivier-d'Oria-medefAprès les plages ou les destinations lointaines, le charme de la campagne, où celui de la Montagne, alors que les esprits sont embrumés de beaux paysages (ou obstrués par une actualité toujours plus horrifique) il nous a paru utile de revenir sur la réforme des délais en matière administrative, plus particulièrement en ce qu’elle concerne les professionnels du secteur de la promotion immobilière et du BTP.

Depuis la LOI n° 2013-1005 du 12 novembre 2013 valant simplification des rapports de droit entre l’Administration et ses administrés, il est acquis que le silence gardé par l’administration vaut désormais décision implicite d’acceptation au-delà d’un délai de deux mois, sauf dans des cas, certes nombreux, mais énoncés par la Loi ou par Décrets.

Si les exceptions nombreuses tiennent pour la plupart à la nécessité de préserver le bon fonctionnement des services publics et à ne pas renverser les règles processuelles en matière de contentieux administratif ou de la fonction publique, les demandes d’autorisation ou dérogation sectorielles ont quant à elles été allégées.

Toutefois, aux exceptions générales énoncées par le texte de Loise sont ajoutées des exceptions particulières via de nombreux décrets (pour une liste complète, cliquez ici). Le « bon en avant » annoncé afin de fluidifier les processus décisionnaire et le montage de projets, fut ainsi immédiatement accompagné d’un très certain « coup de frein », plusieurs centaines d’exceptions étant ainsi venues ternir la nouvelle règle faisant du silence de l’Administration un fait créateur de droit acquis. Pour l’administré, comme pour le technicien, la tache demeure aujourd’hui, sinon ardue, tout au moins complexe puisque dans ses rapports avec l’administration il doit vérifier si sa demande relève du principe ou des nombreuses exceptions. Le tableau ci-joint permettra au praticien de s’y retrouver dans cette forêt de textes et de principes.

Indépendamment des exceptions à considérer, la Loi a également permis de prévoir un allongement du délai valant décision implicite d’acceptation. Les professionnels du BTP, mais également les bureaux d’étude, les aménageurs, les promoteurs ou encore les organismes d’HLM et autres professionnels du secteur seront à ce titre particulièrement attentifs aux dispositions du Décret n° 2014-1300 du 23 octobre 2014.

Il faudra ainsi attendre trois mois pour considérer que l’absence d’opposition de l’Administration vaut accord, pour une demande de dérogation à l’installation d’un ascenseur, dans un bâtiment à construire. Le même délai vaudra pour toute demande de dérogation aux règles d’accessibilité applicables aux bâtiments d’habitation collectifs ou encore aux règles spécifiques gouvernant la performance énergétique et thermique des bâtiments. Les agréments spécifiques, pour des résidences hôtelières à vocation sociale, seront également soumis à ce délai allongé.

Le délai est porté à quatre mois pour certains travaux spécifiques, qu’il s’agisse de la restauration ou de la reconstruction d’anciens chalets d’alpage ou de bâtiments d’estive, ou de travaux sur les IGH. Les décisions d’arbitrage majeure concernant un immeuble relevant du secteur HLM (aliénation, démolition, vente) nécessiteront également une validation préalable, par l’Administration, réputée acquises après ce délai allongé. De nombreuses demandes d’agrément ne seront réputées acquises qu’au bout de ce même délai de quatre mois , parmi lesquelles l’agrément de dispositifs ou de dispositions constructives non prévus par la réglementation en matière de protection contre l’incendie des bâtiments d’habitation, mais également l’agrément de tout référentiel de démarche de qualité de l’étanchéité à l’air d’un bâtiment et, éventuellement, des réseaux aérauliques. L’actualité nous pousse par ailleurs à évoquer ici l’agrément d’un opérateur en vue de mener des travaux d’aménagement et d’organiser l’occupation de bâtiments par des résidents temporaires, situation que l’afflux de certaines populations migrantes pourrait rendre nécessaire, dans le cadre de projets urgents d’implantation, voulus toutefois provisoires, par les maîtres d’ouvrage.

Le délai sera enfin porté à cinq mois pour tout permis de démolir, de construire ou d’aménager, délivré au nom de l’État lorsqu’il y a lieu de consulter une commission nationale, ainsi que pour tout permis de construire, délivré au nom de l’État, portant sur des travaux relatifs à un ERP soumis à l’autorisation prévue à l’article L. 111-8 du CCH ou encore un IGH soumis à l’autorisation prévue à l’article L. 122-1 du CCH.

Au final, le choc de simplification voulu s’avère en pratique très relatif, le nombre d’exceptions au principe réduisant considérablement l’intérêt pratique de ce qui a pourtant été annoncé comme une révolution dans les rapports avec l’Administration. L’administré, comme le praticien, pourra préférer se référer au tableau des procédures pour lesquelles le silence gardé par l’administration sur une demande vaut accord, publié sur le site Legifrance.gouv.fr et accessible ici. Le reste relève effectivement de l’ordre public et de l’intérêt supérieur de l’administration.

Rappelons que l’ensemble de ces dispositions sont applicables depuis le 12 novembre 2014 pour les services de l’État et de ses établissements publics et sera applicables aux collectivités territoriales le 12 novembre 2015.

Mesdames, Messieurs, à vos agendas ! 

Jean-Olivier d’Oria

Avocat Associé

www.smithdoria.com

 

Bibliographie de l’auteur

Jean-Olivier D’ORIA est Avocat au Barreau de PARIS depuis 2000. Il a préalablement travaillé comme instructeur à l’EOGN et comme Rédacteur juridique et consultant.Il est consulté sur les problématiques immobilières par des investisseurs immobiliers européens et français intervenant dans le secteur de la banque et des assurances, ainsi que par des professionnels de la gestion d’ensembles immobiliers (SDC, AFUL, ASL). Il assiste par ailleurs des acteurs majeurs du marché de l’assurance construction, pour leurs contentieux en matière de Dommages Ouvrages, RCD, CMI ou RC.

ACTIVITÉS DOMINANTES : Droit de la construction-assurance ; Copropriété ; Droit de l’urbanisme public et commercial ; Baux commerciaux ; Baux d’habitation ; Ensembles immobiliers complexes (AFUL, ASL etc.) ; Transactions immobilières.

FORMATION : Diplôme d’Université d’anglais appliqué aux sciences juridiques, Université Paris I Panthéon-Sorbonne (1994) ; DESS en Droit européen des affaires, Université Paris 2 Assas (1995) ; DEA en Propriété Littéraire, Artistique et Industrielle, Université Paris 2 Assas (1996).

Langues : Français, Anglais et Italien

Cas général : silence + 2 mois = acceptation

Le silence gardé pendant deux mois par l’autorité administrative sur une demande vaut décision d’acceptation. 

 Cas particuliers : silence + 3 à 5 mois = acceptation

Allongement de 3 à 5 mois la durée pour laquelle pour le silence vaut décision d’acceptation 

 

3 mois

 · Dérogation à l’installation obligatoire d’un ascenseur dans les bâtiments d’habitation

· Dérogation aux règles d’accessibilité applicables aux bâtiments d’habitation collectifs lorsqu’ils font l’objet de travaux et aux bâtiments existants où sont créés des logements par changement

· Projet de construction spécifique au regard de la méthode de calcul des exigences de performance énergétique de la réglementation thermique

· Agrément d’une résidence hôtelière à vocation sociale

·  Dérogation à certaines règles et performances techniques sur le bâtiment ou tout ou partie des logements d’une résidence hôtelière à vocation sociale 

 

4 mois

· Restauration ou de reconstruction d’anciens chalets d’alpage ou de bâtiments d’estive

· Agrément des dispositifs ou dispositions constructives non prévus par la réglementation en matière de protection contre l’incendie des bâtiments d’habitation

· Agrément d’un référentiel de démarche de qualité de l’étanchéité à l’air d’un bâtiment et, éventuellement, des réseaux aérauliques

·  Autorisation de travaux sur un IGH

· Agrément d’un organisme exerçant une activité d’ingénierie sociale, financière et technique

·  Agrément d’un organisme exerçant des activités d’intermédiation locative et de gestion locative sociale

· Agrément de la transformation d’une SAC en SAC d’intérêt collectif HLM

· Agrément d’une association de défense des personnes en situation d’exclusion

· Autorisation d’aliéner des logements sociaux présentée par un organisme HLM en cas de désaccord entre la commune et le préfet

· Autorisation de démolir un bâtiment à usage d’habitation appartenant à un organisme HLM

· Autorisation de démolir un bâtiment à usage d’habitation appartenant à un organisme HLM

· Agrément d’un opérateur en vue de mener des travaux d’aménagement et d’organiser l’occupation de bâtiments par des résidents temporaires 

 

5 mois

· Permis de démolir, de construire ou d’aménager, délivré au nom de l’Etat lorsqu’il y a lieu de consulter une commission nationale

· Permis de construire, délivré au nom de l’Etat, portant sur des travaux relatifs à un ERP et soumis à l’autorisation prévue à l’article L. 111-8 du CCH

· Permis de construire, délivré au nom de l’Etat, portant sur des travaux relatifs à un IGH et soumis à l’autorisation prévue à l’article L. 122-1 du CCH

 

 Des exceptions nombreuses

Le silence gardé pendant deux mois par l’autorité administrative sur une demande vaut décision implicite de rejet.

 

Exceptions générales

 

 

· Lorsque la demande ne tend pas à l’adoption d’une décision présentant le caractère d’une décision individuelle.

· Lorsque la demande ne s’inscrit pas dans une procédure prévue par un texte législatif ou réglementaire ou présente le caractère d’une réclamation ou d’un recours administratif.

· Si la demande présente un caractère financier sauf, en matière de sécurité sociale, dans les cas prévus par décret.

· Lorsqu’une acceptation implicite ne serait pas compatible avec le respect des engagements internationaux et européens de la France, la protection de la sécurité nationale, la protection des libertés et des principes à valeur constitutionnelle et la sauvegarde de l’ordre public

· Dans les relations entre les autorités administratives et leurs agents (voir Circulaire du 12 mars 2015 relative à l’application des exceptions au principe « silence vaut acceptation » dans les relations entre les agents et les autorités administratives de l’État)

 Exceptions particulières par Décrets · De nombreux Décrets pris par chaque Ministère – Liste complète disponibleici.