Franchir le Brexit ensemble. Entretien avec Jean-Roald L’Hermitte, Douanes Île-de-France

Paru dans #MagCAPIDF, décembre 2020

« La douane est prête et se tient à disposition des entreprises pour franchir le Brexit ensemble »

Entretien avec Jean-Roald L’Hermitte, Directeur interrégional des Douanes – Île-de-France

Avec la fin de la période transitoire, quels sont les principaux changements pour les entreprises qui commercent avec la Grande-Bretagne et leurs nouvelles obligations ?

Au 1er janvier 2021, quelle que soit l’issue des négociations actuelles, le Royaume-Uni va redevenir un pays tiers à l’Union Européenne. À ce titre, les entreprises devront obligatoirement réaliser des formalités d’importation ou d’exportation, en particulier le dépôt de déclaration. Toutes les marchandises importées se verront appliquer des droits de douane et certaines, dites « sensibles » (produits sanitaires, biens à double usage, animaux vivants, végétaux, etc.) seront également soumises à des autorisations préalables au dédouanement délivrées par d’autres administrations. Pour toutes ces raisons, je conseille à toutes les entreprises franciliennes qui échangent avec le Royaume-Uni de contacter leurs Pôles d’Action Economique (PAE) de rattachement pour s’informer puis bénéficier d’un accompagnement personnalisé.

Quels sont les principaux points sur lesquels elles doivent porter leur vigilance (conformité réglementaire, contrats d’échange commercial, coûts supplémentaires…) ?

Afin d’éviter le blocage des marchandises, les entreprises doivent obtenir un numéro unique d’identifiant communautaire, appelé numéro EORI, qui deviendra indispensable pour importer et exporter. Les entreprises doivent également constituer des garanties financières douanières ou en réviser le montant en y incorporant ces nouveaux flux. Le Brexit engendra nécessairement des coûts supplémentaires pour les entreprises mais il est difficile de les estimer finement à ce stade. J’appelle également l’attention sur la perte de toute ou partie de l’acquis communautaire qui pourrait avoir un impact non négligeable sur les normes et les certifications reconnues au sein de l’Union Européenne. Pour les entreprises qui exporteront vers le Royaume-Uni, il est indispensable de savoir que même si elles confient l’accomplissement des formalités douanières à un prestataire, elles restent responsables des opérations notamment d’un point de vue fiscal. Elles doivent donc suivre ces opérations, sécuriser leur chaîne logistique avec tous les acteurs (transporteur, déclarant, etc.) et convenir de l’incoterm le plus adapté en fonction de ces impératifs. Enfin, pour conclure sur une note positive, je signale que tous ces réflexes que vont acquérir les entreprises qui n’exportaient pas jusqu’alors pourront leur servir pour conquérir d’autres marchés dans le monde.

Quel accompagnement proposez-vous aux entreprises qui ne maîtrisent pas encore les procédures d’exportation et d’importation ?

Les PAE des trois directions régionales d’Île-de-France (Paris, Paris-Est et Paris-Ouest) ont identifié puis contacté les entreprises échangeant avec le Royaume-Uni, et notamment celles qui vendent ou achètent à l’heure actuelle uniquement au sein de l’Union Européenne. Ces entreprises constituent notre cible prioritaire de communication car elles ne maîtrisent effectivement pas encore les procédures d’importation et d’exportation. L’accompagnement des PAE est double : tout d’abord ils ont organisé avec nos partenaires (Direccte, CCI, etc.) près d’une quarantaine de réunions d’information lors desquelles les démarches à entreprendre pour se préparer sont détaillées sous forme d’une check list très opérationnelle. Ensuite ils proposent systématiquement un accompagnement personnalisé et totalement gratuit aux entreprises qui les sollicitent afin de sécuriser leurs opérations et d’optimiser leur trésorerie. À titre d’exemple, les agents peuvent expliciter le fonctionnement du transit qui permet de déposer la déclaration en douane auprès d’un bureau de douane « intérieur » et de déplacer la marchandise sur le territoire de l’UE en suspension de droits et taxes.

Pour fluidifier les formalités et les échanges, vous mettez en place une « frontière intelligente ». En quoi consiste-t-elle ?

La douane a travaillé de concert avec les compagnies de transport et les gestionnaires d’infrastructures pour construire un outil technologique totalement dématérialisé et automatisé. La frontière intelligente repose sur trois piliers : en premier lieu, l’anticipation des formalités douanières avant l’arrivée à la frontière puisque, je rappelle, une déclaration peut être déposée jusqu’à 30 jours avant le transport physique de la marchandise. Ensuite l’identification des poids lourds puisque le système informatisé associera les plaques d’immatriculation aux déclarations. Et enfin, l’automatisation afin que seuls les véhicules soumis à contrôle obligatoire et ceux devant finaliser leurs formalités de passage seront arrêtés. Cette solution est prête mais ne fonctionnera pleinement qu’à la condition expresse que les entreprises anticipent leurs opérations. Pour rappel, une déclaration en douane peut être déposée jusqu’à 30 jours à l’avance.

Comment la Douane s’est-elle préparée à cette nouvelle donne inédite ?

Afin de faire face aux nouvelles missions liées au Brexit, la douane a recruté près de 700 agents et les a formés au SI Brexit. Elle a également créé de nouveaux bureaux de douane ouverts 24h/24 et 7 jours/7 à Dunkerque et à Calais. La douane est prête et se tient à disposition des entreprises pour franchir le Brexit ensemble.

 

Retrouvez le guide douanier de préparation au Brexit sur le site : www.douane.gouv.fr

Pour plus d’informations, merci de contacter votre Pôle d’Action Économique de rattachement :

 

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