La digitalisation de l’entreprise : Entretien avec Christian Nibourel

Président de la Commission Mutations technologiques et Impacts sociétaux du MEDEF

En matière de transformation digitale, les entreprises françaises n’occupent que la 16e place en Europe, selon le digital economy and society index. comment expliquez-vous ce retard ?

Nous avons présenté le 20 juin dernier la 1ère édition d’un baromètre annuel de la transformation numérique que nous avons réalisé avec le BCG. Ce que nous constatons c’est que notre écosystème et les différents acteurs qui le composent – universités, centres de recherche et labos, incubateurs, accélérateurs, clusters, investisseurs – sont remarquables et que nous bénéficions d’une industrie du numérique forte.

Il est cependant important que nous arrivions à créer un effet d’entraînement sur les dizaines de milliers de TPE, PME et ETI à même d’intégrer les nouvelles technologies dans leurs produits et services pour se différencier et monter en gamme. Même si de plus en plus d’entreprises se sentent concernées par la transformation digitale, un certain nombre ont encore du mal à en identifier les bénéfices et à la prioriser.

À la suite de l’analyse de données micro et macro-économiques le MEDEF et le BCG ont fait des propositions d’actions pour les acteurs publics autour de 5 axes principaux qui nous semblent primordiaux pour créer les conditions favorables à une transformation numérique globale réussie :

  • Mettre en place les conditions qui permettent aux opérateurs français d’investir sur les infrastructures réseaux du futur;
  • Combler les besoins en talents digitaux des entreprises;
  • Faciliter le passage à l’échelle des « pépites» du numérique ;
  • Faciliter l’accès, la collecte et l’utilisation des données par les entreprises, dans le respect du cadre légal;
  • S’assurer du développement de la cybersécurité au sein des grands groupes, ETI, PME et TPE.

Nous avons également formulé des propositions d’actions concrètes correspondant à ces axes.  Cependant, au-delà des pouvoirs publics, il est important que les dirigeants d’entreprise comprennent l’importance de cette transformation et des opportunités qu’elle peut offrir.

Comment peut-on rapidement changer la donne et développer une véritable culture digitale parmi nos PME et TPE ?

Il est tout d’abord capital de bien comprendre que la transformation digitale n’est pas qu’une problématique technologique, mais que cela engendre également une transformation de l’entreprise, que ce soit dans sa stratégie, sa culture ou son organisation.

De plus, cette transformation concerne les entreprises de toutes tailles et de tous secteurs. C’est pour cela que, dans le cadre de la Commission Mutations technologiques et impacts sociétaux, le MEDEF met en place des actions de sensibilisation afin d’apporter les éclairages et diffuser une culture commune auprès des adhérents avec des événements tels que l’Université du numérique, mais aussi des outils permettant aux chefs d’entreprise d’avoir des pistes de réflexion et d’actions à mettre en place pour lancer leur transformation, avec par exemple l’outil d’auto-diagnostic de la maturité digitale www.diag-numerique.fr

Le 20 juin dernier, l’université du numérique du MEDEF avait pour ambition de stimuler l’innovation croisée entre PME, ETI ET START-UP. En quoi cette co-construction estelle l’une des clés de la réussite en ce domaine ?

L’Université du numérique a changé de concept cette année et s’est installée pour la première fois hors du MEDEF, à la Station F. Nous avons axé cet événement sur les relations start-up / PMEETI avec une volonté de mettre à disposition de chacune des parties, un mode d’emploi de la transformation numérique et des bonnes pratiques de collaboration.

L’association start-up / PME-ETI n’est pas assez valorisée, alors qu’elle peut donner lieu à des résultats formidables en offrant aux entreprises traditionnelles des compétences et des manières de penser différentes, et aux start-up des débouchés sur l’ensemble du territoire et l’accès à d’autres savoirs.

Avec la digitalisation se pose la question de la sécurité des données. quels sont les points de vigilance sur lesquels les entreprises doivent concentrer leurs efforts ?

Il est parfois diffi cile pour certaines entreprises d’appréhender les questions de cybersécurité. Beaucoup ne se sentent pas concernées, alors que ces enjeux sont primordiaux pour mener à bien leur activité et que les problèmes de sécurité informatique peuvent toucher toutes les entreprises de toutes tailles et de tous secteurs.

En 2018, 24 % des entreprises françaises ont subi plus de 10 cyberattaques. Les dirigeants doivent réaliser l’importance de ces enjeux, même si les retours sur investissements sont diffi ciles à évaluer et que les mesures paraissent parfois contraignantes.

Nous avons mis en place des guides et un test sur le RGPD (https://rgpd.medef.com ) afi n que les entreprises puissent mettre en œuvre effi cacement ces réglementations. La formation et la sensibilisation sont essentielles pour la cybersécurité. Toutes les couches de l’entreprise, du stagiaire au PDG, doivent être sensibilisées aux enjeux comme aux bonnes pratiques.

L’application des mesures d’hygiène préconisées par l’ANSSI (Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information) permettrait d’éviter plus de 80 % des attaques informatiques rencontrées.

L’investissement peut paraître important, cependant il ne représentera rien comparé aux pertes que peut produire une future attaque.

Paru dans CAP’IDF N°67