Christophe Kerrero : « Nous comptons développer les propositions de stages en entreprise pour les professeurs »

Alors que les entreprises sont confrontées à des difficultés de recrutement, le renouvellement de la convention entre le MEDEF et l’Éducation nationale doit être l’occasion de renforcer la prise en compte par l’école des besoins des entreprises confrontées à des évolutions technologiques et à la transition écologique. Rencontre avec Christophe Kerrero, Recteur de la région académique Île-de-France, Recteur de l’académie de Paris.

Avec Daniel Weizmann, président du MEDEF Île-de-France, vous êtes récemment convenus de mettre en place une feuille de route de vos actions pour la région Île-de-France. Pourriez-vous nous présenter quelques pistes de cet engagement commun ?

En matière d’insertion professionnelle, nous sommes confrontés à une situation paradoxale : un grand nombre de nos jeunes franciliens hésite à choisir les filières professionnelles, alors que les entreprises de ces secteurs ont d’immenses besoins en recrutement. L’engagement commun du MEDEF Île-de-France et de la région académique Île-de-France, matérialisé par la signature d’une convention, vise à faire se rencontrer ces deux demandes. Pour cela, nous nous appuyons sur trois piliers : la formation du corps professoral au monde de l’entreprise, l’appariement entre des établissements et des filières professionnelles, mais aussi l’accompagnement à l’orientation des élèves. De notre côté, nous connaissons la qualité du travail réalisé dans nos établissements et le MEDEF a un ancrage territorial fort. Croiser ces expertises nous permettra de resserrer les liens entre l’école et l’entreprise.

Nous comptons développer les propositions de stages en entreprise pour les professeurs.

Les chefs d’entreprise relèvent souvent un manque de connaissance des réalités du monde de l’entreprise, de ses attentes et ses besoins, parmi les enseignants chargés de former nos jeunes. Quelles solutions suggérez-vous pour y remédier ? Pourrait-on, par exemple, imaginer des stages en entreprise comme le propose le MEDEF ?

Cela dépend des filières concernées. Dans la voie professionnelle, les professeurs sont majoritairement issus du monde de l’entreprise, quand ils ne sont pas eux-mêmes entrepreneurs ! Leur vision pédagogique est nourrie de cette expérience, qu’ils ont à cœur de transmettre aux élèves. L’enjeu est d’élargir ce cercle, en formant l’ensemble des professeurs à la réalité du monde du travail. C’est l’un des engagements du Grenelle de l’éducation. À Paris, nous créons une école académique de la formation continue, qui va offrir des modules thématiques dédiés. Nous avons une cible prioritaire, car l’orientation se dessine avant tout au collège. Il nous faut donc réaliser un travail spécifique de formation pour les professeurs principaux du collège. Nous comptons aussi développer les propositions de stages en entreprise pour les professeurs. Au-delà de l’expérience de terrain, ils constituent une occasion exceptionnelle de créer le réseau dont ont besoin nos jeunes pour leurs stages, leurs contrats d’apprentissage et leur insertion professionnelle.

Inquiet par le recul du niveau des jeunes français dans ces domaines, le MEDEF appelle au renforcement de l’enseignement des mathématiques et des disciplines scientifiques. Que vous inspire cette proposition ?

La maîtrise des savoirs fondamentaux pour tous les élèves est une priorité du quinquennat écoulé. C’est ainsi que les plans français et maths se sont développés ces dernières années. Au primaire, le plan maths se traduit par une nouvelle façon de former les professeurs, dans une logique plus horizontale de véritable réponse aux besoins exprimés, et d’échange entre pairs. Au collège et au lycée, il soutient entre autres la création dans les établissements d’un laboratoire de maths et la mise à disposition de ressources axées sur la recherche en pédagogie pour les professeurs. Mentionnons aussi le rôle des universités qui promeuvent les sciences (Sorbonne Université, Paris Saclay).

L’Éducation nationale souhaite développer la voie professionnelle scolaire et l’apprentissage dans une logique de complémentarité.

L’apprentissage a trop longtemps été considéré comme une solution de repli par le corps enseignant et les parents. Il a prouvé depuis toute sa pertinence. Quels sont vos objectifs en la matière ?

L’Éducation nationale souhaite développer la voie professionnelle scolaire et l’apprentissage dans une logique de complémentarité. L’apprentissage est en effet l’un des moyens privilégiés de la familiarisation des élèves avec l’entreprise. Tout l’enjeu pour nous est de mieux informer les élèves et leurs familles, mais aussi de renforcer les liens entre les établissements et les entreprises, pour que l’apprentissage monte en puissance dans les lycées professionnels. C’est un chemin qui se fait à deux, puisque pour développer l’apprentissage nous avons besoin des entreprises. L’Île-de-France est déjà dans une très bonne dynamique, avec 157 894 nouveaux contrats d’apprentissage en 2021, soit une hausse de 46,1% par rapport à 2020[1]. La réforme récente des 3e professionnelles, devenue 3e prépa-métiers, doit par ailleurs permettre de valoriser l’apprentissage auprès des élèves.

Détecter les meilleurs talents est crucial pour la compétitivité de nos entreprises. Comment favoriser des filières d’excellence ?

Favoriser des filières d’excellence, c’est mettre en avant les savoir-faire que nos établissements proposent dans leur offre de formation. En Île-de-France, la totalité des quelque 90 spécialités de la voie professionnelle est par exemple représentée, mais certaines demeurent méconnues du grand public, comme les bio-industries de transformation, ou l’intervention sur le patrimoine bâti. Nous développons aussi les Campus des métiers et des qualifications : des pôles d’excellence réunissant établissements de formation, de recherche, lycées, CFA, universités, grandes écoles, entreprises et partenaires de l’emploi autour d’une filière spécifique sur un territoire donné, avec des parcours qui vont du CAP au doctorat. Encore faut-il informer au mieux les élèves sur ces perspectives d’avenir. C’est pourquoi ils bénéficient de 12h annuelles dédiées à l’orientation en 4e, 36h en 3e, et 54h annuelles de la 2nde à la Terminale. Elles sont l’occasion de faire intervenir des professionnels dans les établissements, en lien avec la Région. L’année scolaire est également rythmée par des temps forts de l’orientation : les Forums des métiers, le Printemps de l’orientation ou les Rencontres de l’enseignement professionnel. Dans l’académie de Paris, cet événement avait permis en 2020 de présenter 17 pôles de métiers à plus de 1 600 élèves et 200 professeurs. Enfin, nous multiplions les initiatives pour faire connaître les filières d’avenir : campagnes de communication multicanales, rencontres régulières avec les acteurs du monde du travail, pour accompagner personnels et élèves vers une meilleure connaissance des métiers.

[1] Source : données DARES 2021 et données DARES 2020

 

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