Fabriquer en France a de plus en plus la côte !

Article paru dans #MagCAPIDF, novembre 2019

Fabriquer en France a de plus en plus la côte !

Longtemps cantonné à un marché de niche commerciale, les entreprises ayant tendance à internationaliser leur production pour diminuer les coûts, l’origine France redevient un atout concurrentiel avec l’évolution de la demande des consommateurs.

De plus en plus sensibles à la question de la provenance des produits, à leur traçabilité et leur qualité, les Français font évoluer leurs habitudes d’achats. Ils sont 59 % à faire du pays de fabrication, un critère de choix important et 62 % des entreprises présentes sur ce marché en plein essor, constatent que le « Made in France » est un argument qui a un fort impact sur les ventes, selon une étude réalisée par Pro France, association qui porte la certification « Origine France Garantie ». Face à l’accroissement de la demande de savoir-faire, de qualité et de proximité, les entreprises cherchent également à se responsabiliser. Les enseignes de la grande distribution telles que Leclerc ou Intermarché par exemple, repensent leurs stratégies de communication en l’axant beaucoup plus sur un engagement bio et local tout en cherchant à favoriser l’emploi. Et ça marche ! Aujourd’hui le secteur du « Made in France » représente près de 40 000 emplois pour un chiffre d’affaires annuel de 7,2 milliards d’euros, selon le ministère de l’Économie.

« 40 000 emplois, 7,2 Mds € de chiffre d’affaires »

Un outil marketing efficace

C’est l’occasion pour l’entreprise de revendiquer des valeurs telles que la qualité, l’engagement citoyen et environnemental qui sont aujourd’hui des outils de communication indéniables. Une preuve d’engagement dans des valeurs éthiques, civiques et d’authenticité recherchées par les consommateurs. Le Slip Français est une entreprise qui axe toute sa communication et son processus marketing sur le « Made in France ». Un positionnement d’autant plus judicieux, qu’un consommateur sur deux déclare privilégier les produits français et 68 % d’entre eux estiment que les produits fabriqués en France, sont de meilleure qualité que les biens produits en dehors de l’Europe, selon une étude Ifop réalisée en 2017. On observe une appétence de plus en plus prononcée pour les produits « Made in France ». 93 % des Français disent qu’il s’agit de préserver l’emploi et les savoirs faire et 86 % adhèrent à l’idée que c’est un acte citoyen.

Soutenir nos entreprises

Là est bien l’enjeu du « Made in France » : maintenir ou créer des emplois. Depuis deux ans, sous l’influence de jeunes entrepreneurs, on ouvre dans l’Hexagone plus d’usines qu’on en ferme et l’industrie textile crée plus d’emplois qu’elle n’en perd. « Un produit fabriqué en France génère trois fois plus d’emplois qu’un produit importé », explique Fabienne Delahaye, commissaire du salon MIF Expo qui a réuni 480 entreprises et 65 000 visiteurs, lors de sa dernière édition. Si les consommateurs relocalisaient 10 % de leur consommation (sur des produits fabriqués en France), cela créerait 150 000 emplois et 11 milliards d’euros de richesse supplémentaire sur le territoire, selon le Conseil d’orientation pour l’emploi. Avec des exemples à la clé : Alfapac, qui fabrique des produits d’emballage ménager, a ainsi cinq usines en France. Altho, fabricant de chips françaises, a ouvert une usine en Bretagne, puis en Ardèche. Hermès va ouvrir deux nouveaux sites en 2020 en Île-de-France et Nouvelle-Aquitaine. Vuitton accélère la cadence de production, en ouvrant il y a quelques mois son seizième site de production en France et annonce le recrutement de 1 500 maroquiniers dans les trois ans. C’est peu à peu un cercle vertueux qui s’installe, car de plus en plus d’industriels relocalisent chez nous ce qui était jusque-là fabriqué à l’étranger. C’est notamment le choix fait par Vanoutryve, fleuron de l’industrie textile, qui s’est réimplanté à Roubaix après avoir été délocalisé en Belgique et Rossignol qui a arrêté de fabriquer ses skis à Taïwan, pour les produire en Haute-Savoie.

« Près de 94 % des Français pensent qu’acheter français est une manière de soutenir nos entreprises » 

Même les marques étrangères surfent sur le « Made in France »

Ainsi Pyrex®, marque du groupe américain Corning, qui produit ses célèbres plats en verre à Châteauroux dans le plus grand four hybride du monde, met largement en avant la certification Origine France Garantie qu’elle a obtenue. « Nous sommes très fiers que nos produits portent ce label, car c’est une preuve supplémentaire de qualité pour nos clients et consommateurs tant en France qu’à l’étranger », explique Jose-Luis Llacuna, Président d’International Cookware. La vente à l’export, dans 146 pays, est un enjeu de taille pour Pyrex®, puisque 75 % de sa production de verre y est destinée. Le japonais Toyota a basé toute la communication de sa Toyota Yaris, sur son origine France et la création d’emplois dans une région sinistrée, avec succès. 20 ans après son implantation à Onnaing près de Valenciennes, le constructeur a investi 400 millions d’euros pour doubler les capacités d’un site qui accueillera 5 000 salariés en 2020. Jusqu’à Coca Cola qui à l’occasion de ses 100 ans de présence sur notre sol, nous dit toute sa fierté d’être français ! Dans le domaine du luxe, l’image de la France est un sésame à elle seule. « On considère toujours que ce qui est français est ce qui se fait de mieux », explique la consultante de mode britannique Yasmin Sewel, « le style à la française est éternel et a donc une crédibilité pour être exploité au-delà de ses frontières ». A tel point, que des marques étrangères utilisent des vocables français pour renforcer leur image. Pour Audrey-Shalimar Shaffaq, chef de projet marketing d’un grand magasin à Londres, « les marques étrangères portant un nom français sont celles qui souhaitent faire passer un message clair à leur future clientèle : celui du savoir, du savoir-faire et de l’authenticité ».

Vigilance sur le « Made in France »

Il faut être vigilant avec le « Made in France ». En effet, il n’existe pas encore de législation précise sur cette appellation et il suffit qu’un produit fini soit assemblé ou conditionné en France pour s’afficher français. Beaucoup de marques jouent d’ailleurs l’ambiguïté en réalisant la dernière étape de leur chaine de production en France, alors que la majorité des produits viennent de l’autre bout du monde. 3 certifications coexistent :

« Made in France »

C’est le plus connu mais le « Made in France » – ou « Fabriqué en France » – n’est pas un label. Il fonctionne sur la base du volontariat : tout chef d’entreprise qui le souhaite peut demander aux Douanes une information sur le « Made in France » (IMF). Il faut que plus de 50 % de la valeur ajoutée du produit soit faite en France. À lui d’apposer, ou non, l’étiquette « Made in France » à son produit. La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) est chargée des contrôles, mais ces derniers sont rares.

« Origine France Garantie »

C’est l’association Pro France qui a lancé cette certification, en 2010. Cette fois, c’est un organisme tiers et indépendant (Afnor, Veritas, Ecocert) qui vérifie si l’entreprise auditée respecte un certain cahier des charges. En l’occurrence, il faut non seulement que plus de 50 % de la valeur ajoutée du produit soit faite en France, mais que les étapes essentielles de la fabrication aient lieu dans l’Hexagone. Exemple : pour les jeans 1083 certifiés, la confection (couture) et le tissage.

Entreprise du patrimoine vivant

Ce label garantit que l’entreprise concernée a un savoir-faire remarquable. Octroyé par l’État, ce label donne lieu à des incitations fiscales.

 

Le pari gagnant de Krys Group

Premier verrier à avoir obtenu le label Origine France Garantie, Krys Group a fait le choix du « Produire en France » dès 1998 et a mis cet engagement au cœur de sa politique industrielle et commerciale. Levier de différenciation mais aussi d’innovation et de qualité, le site de production et de logistique de Bazainville (Yvelines) est aujourd’hui la clé de voûte de son réseau d’opticiens. Krys Group reste aujourd’hui le seul groupement d’optique qui fabrique ses verres à haute valeur ajoutée en France. Un parti-pris qui porte ses fruits, puisque le Groupe leader de son marché qui emploie 6 000 salariés et compte 1 398 magasins dans le monde, gagne des parts de marché en creusant l’écart avec la concurrence. Krys Group a reçu en septembre dernier, le prix Antoine Veil récompensant les entreprises qui font rayonner le savoir-faire français.

 

Le Francilien certifié « Origine France Garantie »

Le Président de Pro France a récemment remis à Laurent Bouyer, Président de Bombardier Transport France, le label « Origine France Garantie » pour deux de ses trains. Le Francilien, plébiscité par ses utilisateurs pour son confort et son design, qui est déployé en Île-de-France depuis 2010 et l’Omneo, nom générique de la plate-forme utilisée pour fabriquer le Regio2N, un train de banlieue à deux niveaux et son cousin l’Omneo Premium, destiné aux lignes Intercités.

Les critères exigeants du label

Pour obtenir ce label, un audit a été réalisé par un organisme indépendant, le Bureau Veritas, sur le site de Crespin dans les Hauts de France, où sont produits ces matériels. L’association Pro France a vérifié que le produit était bien fabriqué ou assemblé en France, même si les composants proviennent d’autres pays. Par ailleurs, au moins 50 % du prix de revient doit être acquis en France. Cette certification est plus que symbolique pour le canadien Bombardier qui fabrique des trains à Crespin depuis bientôt 30 ans. « Ce site est le premier site industriel ferroviaire en France », rappelle Laurent Bouyer. « Deux mille personnes y travaillent dont 500 ingénieurs et cadres. C’est devenu un centre de compétence mondial pour les trains à deux niveaux ».

! Retrouver l’interview d’Yves Jégo, Fondateur du label « Origine France Garantie » ici

 

Pas facile de relocaliser

Le choix demeure audacieux tant le parcours pour réimplanter une production reste semé d’embûches.

Pour Romain Bertrand, Secrétaire Général de l’association Pro France « la relocalisation reste souvent un combat. Les montres Routine par exemple ont dû recréer une filière horlogère devenue moribonde. Plus d’une année aura été nécessaire pour rétablir un réseau local de fournisseurs. Et malgré ses efforts, la marque n’a pu trouver toutes les compétences nécessaires sur le territoire et s’appuie encore sur un acteur suisse pour assurer l’intégralité de ses approvisionnements ». Chez le fabricant de brosses à dents Bioseptyl, la relocalisation de la production en France après une mésaventure asiatique a nécessité une réorientation stratégique, raconte le PDG Olivier Remoissonnet. « Les efforts en interne se sont focalisés sur une démarche éco-responsable. Le développement d’une nouvelle gamme à base de plastiques recyclés ainsi que la mise en place de circuits courts et d’une distribution en direct, sans passage par la grande distribution, nous ont permis de nous différencier et de maintenir l’entreprise. »

Un manque de financement

Les entrepreneurs qui se lancent dans le « Fabriqué en France » l’identifient comme le principal frein à leur développement. D’après l’étude menée par la plateforme de financement participatif Tudigo et le salon MIF Expo auprès de 306 entreprises, pour l’essentiel des TPE, près de deux tiers (63 %) des entreprises produisant en France disent rencontrer des difficultés de financement au quotidien. La quasi-totalité des entreprises (92 %) ont d’ailleurs recours à l’auto-financement, loin devant les banques (62 %) et la famille et les amis (52 %). Les autres difficultés majeures auxquelles ces entreprises sont confrontées concernent le coût de production (57 %), la fiscalité (52 %), ainsi que la notoriété et la distribution (48 % pour chaque). 65 % des entreprises interrogées, estiment qu’une baisse de la TVA sur les produits « Made in France » serait la première mesure à prendre pour encourager le développement des produits français. Résultat, les délocalisations l’emportent sur les relocalisations.

« 63 %) des entreprises produisant en France disent rencontrer des difficultés de financement au quotidien »

Des relocalisations encore marginales

Quelque 4 200 emplois ont été créés grâce aux relocalisations entre 2009 et 2017, contre 32 000 emplois détruits sur la même période par les délocalisations. Certes, les relocalisations se multiplient, mais ce sont surtout des petites entreprises qui reviennent, alors que ce sont souvent les productions des grandes entreprises qui partent, reconnaît-on à la Direction Générale des Entreprises (DGE). Dans le détail, ces relocalisations concernent principalement la métallurgie et la fabrication de produits métalliques (24 %), les industries agro-alimentaires (12 %), la fabrication de produits informatiques, électroniques et optiques (13 %), le textile, l’habillement et les chaussures (11 %), et la fabrication de machines et d’équipements (8 %). Toujours selon les données de la DGE, les cas de relocalisations concernent de manière prépondérante des sites délocalisés en Asie (52 %) et pour 26,5 %, des sites délocalisés en Europe, majoritairement issues des pays d’Europe de l’Est. C’est la région Centre qui en accueille le plus grand nombre (13 %), suivie par les régions Hauts de France et Normandie avec chacune 10 % des relocalisations identifiées. Pour la DGE, trois motivations principales sont à l’œuvre : la montée en gamme des processus de production, l’amélioration de la chaîne de réactivité des entreprises et l’impératif de la qualité.

 

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