Le Barème est sauf !

Par Rosine de Matos, Avocat Counsel en droit social chez Aston avocats

Souvent décrié, le barème Macron vient d’être conforté par la Cour de cassation qui en reconnaît la validité

Les ordonnances Macron en septembre 2017 contenaient un certain nombre de dispositions visant à réformer le droit du travail en profondeur, non sans heurts.

La création d’un barème fixant l’indemnisation qu’un salarié peut recevoir si son licenciement est reconnu comme étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, dit barème Macron, a en effet soulevé de nombreuses contestations.

Concrètement, le salarié perçoit une somme d’argent calculée sur la base d’un nombre de mois de salaire brut, ce nombre variant en fonction des années complètes passées dans l’entreprise. Un plancher et un plafond d’indemnisation ont ainsi été déterminés pour chaque tranche d’ancienneté.

Partant, les parties ont connaissance à l’avance :

  • du risque prud’homal pour l’employeur, et le risque de condamnation auquel ce dernier s’expose et,
  • l’éventuelle réparation à laquelle le salarié peut prétendre.

Ce faisant, les parties peuvent éventuellement privilégier une issue amiable, ou abandonner toute poursuite, de manière à s’éviter une procédure chronophage et onéreuse, diminuant ainsi la charge des juridictions.

Nombreux sont ceux qui n’ont pas été convaincus par cet argumentaire dans la mesure où ce procédé revenait à :

  • exclure l’indemnisation intégrale du préjudice du salarié ;
  • priver le juge de son pouvoir d’appréciation ;
  • encourager les salariés à recourir à des notions juridiques, non concernées par le barème, telles que l’atteinte aux droits fondamentaux du salarié, le harcèlement ou la discrimination.

Quoi qu’il en soit, le barème a été déclaré conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel le 21 mars 2018 (Cons. Const. 21 mars 2018, n°2018-761 DC).

Pour autant, une fronde a été initiée par des juridictions prud’homales, suivies par certaines cours d’appel, refusant d’appliquer le barème au motif que ce dernier ne serait pas conforme, entre autres, à l’article 10 de la Convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail.

Ce texte, dont l’application peut être revendiquée en droit français dans les litiges entre particuliers, prévoit qu’en cas de « licenciement injustifié », le juge doit pouvoir ordonner le versement d’une indemnité « adéquate » au salarié.

Saisie d’une demande d’avis par le Conseil de prud’hommes de Toulouse, la Cour de cassation, qui constitue le plus haut degré de juridiction de l’ordre judiciaire, a rendu un avis le 17 juillet 2019 en formation plénière, validant le barème (pourvoi n° 19-70.011).

Certains juges du fond ont toutefois persisté dans leur fronde, estimant ne pas être liés par cet avis.

Le 15 décembre 2021, la Cour de cassation a cette fois sanctionné les juges de la Cour d’appel de Nancy, qui avaient alloué une indemnité dont le montant était supérieur à celui prévu par le barème (pourvoi n° 20-18.782).

Pour nombre d’observateurs, il s’agissait d’une validation implicite du barème, qui s’imposait aux juridictions.

C’était sans compter sur la Cour d’appel de Paris et de Nancy !

De nouveau saisie, la Cour de cassation a rendu un arrêt en Assemblée plénière (soit la formation la plus solennelle) le 11 mai 2022 rappelant la conformité du barème et l’inapplicabilité de la Charte sociale européenne en droit français (pourvois n° 21-14.490 et 21-15.247).

Si nous pouvons nous réjouir de cette clarification, bien que tardive, notamment dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, il n’en demeure pas moins que cela revient à valider un mécanisme traitant de la même manière des salariés se trouvant dans une situation différente, au-delà d’une ancienneté identique.

 

Paru dans #MagCAPIDF