Le retour du transport fluvial

Article paru dans #MagCAPIDF, mars 2020

Après la crise des années 1980 qui avait laissé le secteur à l’agonie, le transport fluvial a repris des couleurs et ses 1 200 entreprises tournent à plein. En Île-de-France, le port de Gennevilliers, 1er port fluvial français, est devenu stratégique.

Face à l’urgence des enjeux écologiques, les entreprises redécouvrent les vertus des voies navigables pour convoyer leurs marchandises. « La reprise amorcée depuis deux ans se confirme », avance Thierry Guimbaud, Directeur Général de Voies Navigables de France (VNF), l’établissement public qui gère les infrastructures fluviales du pays. La France redécouvre le fort potentiel de ses 6 700 km de fleuves, rivières et canaux, le plus long réseau d’Europe. « C’est le mode de transport le plus massif, permettant d’assurer les convois les plus gros, pouvant transporter jusqu’à 5 000 tonnes de marchandises, l’équivalent de 250 camions ou 4 trains », précise-t-il.

Des coûts unitaires très attractifs

Ces capacités permettent d’écraser les coûts unitaires et de diviser les prix de transport par quatre par rapport aux voies routières, avec un taux de fiabilité qui culmine à 98 %. Certes moins rapide, le transport fluvial offre l’autre avantage de ne pas être saturé. « Il est en capacité d’accueillir un trafic de fret trois à quatre fois plus important qu’aujourd’hui », assure Thierry Guimbaud. Les entreprises manifestent d’ailleurs un appétit grandissant. C’est le cas de Franprix qui fait approvisionner ses 300 magasins parisiens par la Seine, ou Fludis plateforme logistique urbaine qui compte parmi ses clients Ikea et Lyreco, qui allie l’utilisation d’un bateau-entrepôt 100 % électrique pour la préparation des colis et des vélos-cargos électriques pour la livraison sur le dernier kilomètre. Les marchandises ne sont pas les seules à emprunter les fleuves. Autre marché porteur du secteur fluvial, le transport de passagers a connu une nouvelle hausse de 5 % en 2018, avec 18 millions de passagers.

Gennevilliers, un site stratégique

Avec une localisation unique à 5 km de Paris et une ouverture sur la façade maritime via les ports de Rouen et du Havre au sein de l’alliance HAROPA, la première plateforme portuaire francilienne bénéficie d’une desserte multimodale exceptionnelle : voie fluviale et fluviomaritime à grand gabarit, ligne fluviale de conteneurs avec le Havre et Rouen, l’A15, l’A86, voie ferrée et oléoduc permettent à ses clients de développer une véritable chaîne logistique verte. C’est par ce point névralgique qu’entre la quasi-totalité des marchandises en région parisienne (pétrole, gaz, matériaux de construction ou encore biens de consommation). « Plus de 200 000 containers transitent chaque année par Gennevilliers », souligne Alain O’Jeanson, Directeur général de Paris Terminal SA, faisant de Gennevilliers le premier port fluvial du pays. Un intérêt qui n’a pas échappé aux géants de l’ameublement et du bricolage. Ikea et Leroy-Merlin viennent d’y installer un entrepôt de deux étages, une première en France.

Une plateforme logistique incontournable

« Il y a quelques années, Ikéa livrait en quinze jours. Ce n’est plus pensable aujourd’hui. À l’heure d’Amazon, il faut livrer en 24/48 heures, voire quelques heures », précise Eric Véron, Directeur Général de Vailog Immobilier Commercial. Mais les terrains si proches de Paris sont chers et rares. « C’était le dernier foncier d’Ile-de-France de cette taille : 8 hectares. Traditionnellement on aurait construit 30 000 m² au sol. Cet entrepôt fait 60 000 m² au sol, permettant de stocker le double de ce qu’on aurait fait de manière classique », ajoute-t-il. Gennevilliers, une plateforme logistique indispensable pour Total également, qui a installé ici l’un de ses principaux dépôts pétroliers en France. L’hydrocarbure est acheminé par oléoduc (plus de 200 km de tuyaux). « C’est l’arrivée du pipeline qui vient du Havre. On reçoit quatre produits : le gazoil, le fuel, les essences sans plomb 95 ou 98 », précise Nicolas Bécue, chef de dépôt Total Gennevilliers. Des cuves de 4 000 m² contiennent de quoi alimenter 250 stations-service pendant 10 jours. Toute la journée des camions citernes viennent s’approvisionner pour livrer les stations du nord de l’Île-de-France.

Le port est aussi la porte d’entrée pour la plupart des matières premières indispensables pour le chantier du Grand Paris. Du sable, des granulats, des matériaux lourds qui trouvent avec le fleuve une manière vertueuse de se faire transporter.

 

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