« L’immobilier reste une valeur refuge en temps de crise » Olivier Safar, UNIS Île-de-France et Grand Paris

Olivier Safar, président de l’UNIS Île-de-France et Grand Paris, décrypte l’actualité et les enjeux du secteur immobilier dans notre région

L’augmentation des prix des matières a renchéri les coûts de la construction. Quelles conséquences sur le marché francilien ?

L’inflation déstabilise durement les ménages et elle emporte des conséquences déjà sensibles : nombre de copropriétaires vont avoir du mal à s’acquitter de leurs charges courantes, qui plus est, gonflées du prix considérablement haussier de l’énergie. Quant à voter des travaux exceptionnels, en particulier pour redresser les performances environnementales de leur immeuble, ce ne sera pas leur réflexe premier. En outre, l’espoir que les Français puisent dans l’épargne constituée pendant la période covid est à nuancer : la plupart des copropriétaires n’ont pas constitué d’économies.

Nous assistons depuis quelques mois à une envolée des prix des différents devis pour travaux et réparations dans les immeubles, mais aussi à une difficulté d’approvisionnement des chantiers en cours.  Certains produits d’étanchéité, de complexes isolants, commencent à manquer.

Cela risque-t-il de ralentir la rénovation énergétique des copropriétés, pour répondre aux obligations de la loi Climat et Résilience ?

La rénovation énergétique de nos copropriétés est un enjeu majeur. Le calendrier voté lors de la loi Climat et Résilience vient accélérer la vitesse de mise en œuvre de ces nouvelles obligations et devrait normalement ne pas ralentir les travaux de rénovation énergétique. Toutefois, les syndics ne sont pas toujours armés pour contrer le phénomène des copropriétés fragiles avec la recrudescence des impayés qui va affecter une part significative du parc. En effet, l’addition de la transition environnementale, des obligations Climat et Résilience, avec la désolvabilisation des ménages sous l’effet de l’inflation, sont des déferlantes parfois difficiles à surmonter.

« Nous sommes passés d’un taux inférieur à 1 % à plus de 2.5, voire 2.80 % pour des crédits à long terme. Quel choc pour nos candidats acquéreurs ! »

Les transactions ont été freinées par le renchérissement des taux d’intérêts. Comment évolue la situation ?

Le renchérissement des taux d’intérêts n’est pas venu seul. Nous sommes passés d’un taux inférieur à 1 % à plus de 2.5, voire 2.80 % pour des crédits à long terme. Quel choc pour nos candidats acquéreurs ! De plus, les banques sont aujourd’hui dans l’obligation de vérifier la solvabilité des candidats acquéreurs et leurs demandent encore plus de fonds propres. De 10à 15 % de fonds propres demandés en 2021, nous sommes aujourd’hui supérieur à 35 %. De nombreuses transactions échouent du fait des refus de crédit. Les transactions se trouvent, de ce fait, ralenties notamment pour les primo accédants.  Toutefois, nous assistons dans certaines communes où les logements sont en étiquettes F ou G, à une augmentation des volumes disponibles sur le marché. Certains propriétaires, notamment bailleurs, ne peuvent prendre en charge les travaux de rénovation énergétique de leur logement qui peuvent atteindre 25 à 40 000 €, pour un studio ou un petit 2 pièces. Ils les mettent alors en vente. Une baisse des prix pour ce type de logement commence à apparaitre.

En revanche, sur les autres logements, nous assistons plutôt à un ralentissement des ventes dû à une absence de produits disponibles. Certains propriétaires ont en effet ralenti leurs projets au vu de l’inflation galopante qui les inquiète.

« Il faudrait créer un portail digital regroupant toutes les aides et subventions disponibles »

Comment améliorer l’offre locative ?

Premièrement en modifiant le calendrier de la loi Climat et Résilience, réaliser les travaux dans les logements classés G avant le 1er janvier 2023 est impossible. Il convient de desserrer la temporalité de ces obligations. Près de 1.7 millions de logements sont concernés par les étiquettes F et G. La volonté du législateur est louable : supprimer les passoires énergétiques en 3 ans. Mais impossible à mettre en œuvre aussi rapidement. Il appartient à l’Assemblée Nationale de voter un assouplissement tant des règles des DPE que d’allonger les délais pour faire les travaux.

Ensuite, il convient de mettre en place des aides et des financements pour les bailleurs. MaPrimeRenov n’est pas assez incitative. Les autres subventions sont trop difficiles à obtenir. Il faudrait créer un portail digital regroupant toutes les aides et subventions disponibles. Nous avons trop de mal à les identifier, à compléter les dossiers, à envoyer les devis des entreprises obligatoirement RGE.

De plus, les crédits travaux pour les bailleurs ne sont pas assez nombreux. Les banques sont trop absentes de ce marché, faute de volonté mais aussi par le taux de l’usure qui vient interdire certains de ces crédits. Il ne s’agit pas de crédits à la consommation…

Quelles sont les perspectives du marché immobilier francilien pour 2023 ?

Le marché immobilier est souvent difficile à analyser. Sa prévision est un défi encore plus important.  Toutefois, l’immobilier reste une valeur refuge en temps de crise.

L’inflation et le renchérissement de l’énergie se conjuguent avec les enjeux de la rénovation énergétique et les travaux à réaliser dans les logements. Le décret tertiaire est un autre enjeu. Il concerne les entreprises, les bureaux, commerces, entrepôts. Il engage les entreprises à réaliser des améliorations énergétiques sur une durée beaucoup plus longue.

Si l’on risque de voir s’amorcer une stagnation des prix de l’immobilier de logement, nous allons vers une baisse certaine des logements énergivores ou passoires énergétiques, ceux classés G et F à court terme.

 

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