Réinsertion

imagesEntretien avec Dominique Attias, Avocat au barreau de Paris.

« Quel meilleur signal que celui du monde économique se tournant vers la jeunesse en difficulté »

L’insertion par l’économie, vous apparait-elle comme une réponse adaptée aux jeunes les plus en difficultés ?

C’est LA réponse qui permettra à ces jeunes de s’en sortir. En effet, les jeunes les plus en difficulté, c’est-à-dire ceux qui ont été confrontés à la justice des mineurs soit pour des faits de délinquance soit par des mises en danger, sont souvent en recherche de repères et ont une mauvaise image d’eux-mêmes. Ils sont pourtant vifs et intelligents pour avoir développé des stratégies de survie dans une société hostile à leur égard et une « rue » dangereuse. N’ayant pas accès au monde économique ils s’engagent dans des économies parallèles.

Quels sont les dispositifs qui peuvent être mis en œuvre par les entreprises ?

Ces jeunes sont souvent confiés au delà de leur majorité à la protection judiciaire de la jeunesse ou, lorsqu’ils sont mineurs, suivent des formations en alternance. Des expériences très enrichissantes ont déjà vu le jour, permettant à des jeunes de sortir du trafic de stupéfiants grâce à des entreprises qui leur ont permis de s’insérer. Il est nécessaire que, dans l’entreprise, un adulte puisse servir de tuteur, le jeune étant épaulé par un éducateur de la Protection Judiciaire de la Jeunesse, ce dernier étant toujours en lien avec le tuteur.

Y a-t-il suffisamment de cohérence entre les acteurs de terrain ?

Avant la cohérence, il faut la confiance et surtout croire en ces jeunes. Un tuteur cadrant et bienveillant, un éducateur motivé et ne lâchant rien, doivent permettre à ces jeunes de reprendre confiance en eux-mêmes, de découvrir le monde de l’entreprise et se convaincre qu’ils y ont leur place. Ils se construisent dans l’œil et le regard de l’adulte et un travail permettant soit au jeune de terminer sa formation qualifiante, soit de trouver un emploi, les aident à croire en un avenir. Il est invraisemblable que certains jeunes soient orientés vers des formations mais, en fin de parcours théorique, soient contraints de trouver par eux-mêmes, un employeur pour terminer leur cursus pratique et ainsi passer en année supérieure. J’ai pu constater que nombre de jeunes qui pourtant avaient suivi leur formation théorique, étaient contraints la rage au coeur, d’abandonner les études entreprises, n’ayant pu trouver par eux-mêmes une entreprise pour les employer. Combien de futurs plombiers, électriciens, techniciens auto ou moto, etc… ont vu leur rêve s’effondrer. Comment s’étonner ensuite que ces jeunes soient révoltés et ne croient plus dans le monde des adultes.

Les entreprises ne se montrent-elles pas frileuses vis-à-vis des jeunes les plus éloignés de l’emploi et comment changer la donne ?

Bien évidemment les entreprises sont frileuses vis-à-vis de ces jeunes. Comment ne pas l’être avec les stéréotypes sur la jeunesse qui sont véhiculés notamment par les médias. Mais quelle image valorisante pour les salariés de l’entreprise et l’entreprise elle-même, que de participer à l’insertion d’un jeune dans la société. Je ne doute pas que des entreprises pionnières tenteront cette expérience. Ces jeunes seront à l’évidence d’accord pour communiquer sur leur expérience en entreprise et le coup de pouce donné qui empêche une vie de basculer en cette période de crise. Quel meilleur signal que celui du monde économique se tournant vers la jeunesse en difficulté.