Repenser le rôle de l’entreprise dans la société

Une récente étude a permis d’analyser les attentes prioritaires des citoyens sur trois grands enjeux : le rapport de l’entreprise à la société et ses impacts, les relations hiérarchiques au travail et l’engagement réel des collaborateurs vis-à-vis du projet d’entreprise et l’épanouissement et le bien-être au travail. Ses enseignements peuvent éclairer les dirigeants d’entreprise en quête de sens.

Comment dépasser la quête de profit à court terme ? Comment réengager les salariés et les associer au projet d’entreprise ? Comment contribuer à l’épanouissement et au bien-être des salariés ? Telles étaient quelques-unes des questions au cœur de l’enquête* menée par Cap Collectif, plateforme numérique pionnière de la « civic tech» pour le compte de «The NextGen Enterprise Summit » qui a pour objectif de partager les témoignages et le savoir-faire de pionniers du monde entier en matière d’innovation managériale.

Faire évoluer les rapports au sein des entreprises

Derrière l’unanimité autour d’un mode de travail plus horizontal et collaboratif, s’exprime une demande massive des salariés d’être considérés comme responsables. Le reporting permanent est perçu comme la manifestation exaspérante de ce manque de confiance qui produit une surveillance de tous les instants et une infantilisation des rapports humains au travail. Pour Jeanne, participante à la consultation, « les salariés ont l’impression de ne plus exercer leur métier, mais passer leur temps à documenter ou justifier chacune de leurs actions ». Si le modèle tayloriste est reconnu comme obsolète et sclérosant, dans les faits et pratiques quotidiennes d’une majorité d’entreprises, il continue d’être la norme. « Imaginer une équipe qui évalue régulièrement la qualité de son travail, la formalise sous la forme d’une boussole de sa performance, et délègue un référent pour négocier les priorités d’amélioration, lui permettra d’être davantage tournée vers l’amélioration du travail réel », souligne Dominique Reignier, Co-fondateur de l’Institut du Travail et du Management Durable (ITMD) et de Kairos Consultants. Les salariés se prononcent donc en faveur d’une participation plus forte à la vie de l’entreprise, qu’ils souhaitent être recentrée sur le dialogue social et la stratégie. 37,6% d’entre eux privilégient un dialogue social ouvert et transparent à tous les niveaux de l’entreprise. 33% souhaitent qu’on mobilise leurs avis et leurs expertises pour prendre les décisions stratégiques. Mais seulement 24% qu’on y fasse appel pour innover et améliorer l’organisation globale. Est-ce une remise en cause des projets “d’open innovation” qui ont fortement essaimé ces dernières années dans les entreprises sans réellement transformer en profondeur, la culture des entreprises ni leur organisation ? Une usure liée à cette injonction permanente à innover et faire preuve de créativité ? Un décalage entre les espaces de discussion “autorisés”, ouverts à toutes et tous, et les réflexions stratégiques à fort enjeu qui sont restées la chasse gardée des dirigeants ? « En lançant notre programme Une Personne, Une Voix, Une Action, nous avons décidé de permettre à nos équipes de co-construire l’avenir, en leur donnant les moyens de mieux comprendre pour mieux agir », indique Anne-Claire Berg, Viceprésidente Culture et Engagement de Danone.

Éviter une dérive cosmétique de «la raison d’être» de l’entreprise

Conséquence directe de la loi PACTE, en écho à l’importance majeure des enjeux environnementaux, la notion se popularise et un nombre croissant d’entreprises se prête à l’exercice. Revers de la médaille, une majorité de participants à l’enquête, met en garde contre une déconnexion de son objectif initial, à savoir le rassemblement de toutes les parties prenantes d’une entreprise autour d’un modèle économique soutenable, responsable et fédérateur. Martin Richer, président et fondateur de Management et RSE, alerte « Beaucoup parmi les 150 raisons d’être (RE) publiées en

France ne répondent pas à la question du pourquoi (contribution aux enjeux) et ne se traduisent pas par un changement de comportement ». Un scepticisme que l’on retrouve chez Colin, un autre participant, pour qui « au-delà du slogan, la Raison d’être doit s’appuyer sur de réelles valeurs qui donnent un état d’esprit cohérent à tous les salariés ». Une étude réalisée par l’Ifop en novembre 2019, témoigne que 69% des salariés interrogés considèrent que la raison d’être est d’abord « une opération de communication » contre seulement 31% qui y voient avant tout « le reflet de convictions sincères ». « Pour éviter cet effet déceptif, les entreprises doivent donc associer leur collaborateur à sa définition afin que celle-ci reflète la réalité vécue des salariés et dessine un cap auquel ils souhaiteront s’associer », insiste Cyril Lage, Fondateur de la civic tech Cap Collectif.

L’ENVIRONNEMENT, UNE PRIORITÉ RÉAFFIRMÉE

La question environnementale est une préoccupation croissante dans l’opinion publique et le champ politique. Elle devient même la priorité pour une partie de la population comme l’ont montré les élections municipales. L’entreprise n’échappe pas à ce qui est devenue une exigence bien plus qu’une tendance. À la question « Pour vous, que devraient faire les entreprises en priorité aujourd’hui ? », la réponse la plus soutenue (près d’un quart des réponses) est « s’engager avant tout dans la transition écologique » avant le développement de la formation ou encore les revalorisations salariales. À la question, «Que devraient faire les entreprises pour parvenir à concilier profit et impact positif sur la société ? », 39% des répondants souhaitent que les entreprises se fixent des objectifs chiffrés qui les engagent en matière de protection de l’environnement et d’impact social de leurs activités. * Deux modalités de participation étaient disponibles : l’accès à une plateforme de débat contenant 50 propositions initiales de dirigeant(e)s pour permettre aux citoyens de voter, d’argumenter et le cas échéant de formuler des contrepropositions et un questionnaire en ligne promu sur les réseaux sociaux.

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