Ingrid Lamri – Présidente ANAJ-IHEDN

« La citoyenneté doit se construire et se vivre tout au long de la vie » 

La journée de la femme est souvent l’occasion de rappeler les luttes entre les deux sexes : inégalités salariales, harcèlements, violences, opposition dans le mode de management, etc. La liste est toujours plus longue ! Obnubilés par ce qui nous divise, nous en oublions presque le lien indéfectible qui nous unit. Que nous le voulions ou non, nous sommes membres d’un tout qui nous dépasse et qui prend vie au travers un concept fondamental : notre citoyenneté.

Certains se lamentent sur l’absurdité qu’une seule journée dans l’année soit consacrée aux femmes. Je suis personnellement perplexe en constatant qu’une seule journée dans notre vie est consacrée à la citoyenneté, au travers de la Journée Défense et Citoyenneté.

La citoyenneté ne fait pas vendre : il s’agit d’un concept trop fédérateur – comment peut-on être opposé à l’idée d’être citoyen ? – qui est perçu à tort comme une évidence sur laquelle il serait inutile de s’attarder. Pourtant, je suis frappée par le peu d’échos que cette qualité remporte autour de nous : peu sont capables d’expliquer ce qu’« être citoyen » leur permet d’accomplir au quotidien. Comme être femme (ou homme), cette caractéristique est tellement ancrée en nous qu’il est difficile de la dissocier de notre propre personne pour savoir ce qu’elle renferme.

Cette absence manifeste d’intérêt envers la citoyenneté est à mon sens une des lacunes majeures de notre temps. C’est ce qui nous empêche de nous projeter en tant que Nation et en tant que contributeurs d’un même projet de société. Je suis convaincue qu’en sensibilisant davantage les citoyens sur leur rôle dans la cité, les réformes nécessaires pour le bien commun pourraient être menées dans un esprit plus constructif et tourné vers l’avenir.

Pour que l’appropriation de la citoyenneté soit effective, elle doit à mon sens passer par quatre étapes et s’incarner au quotidien.

  • La compréhension. Dans une entreprise, les collaborateurs ayant accès à un niveau d’informations leur permettant d’embrasser les enjeux de la structure et ses défis se sentent davantage engagés dans leur travail au quotidien. Sur le même modèle, une communication adaptée et intelligible aux citoyens leur permettrait de mieux appréhender leur environnement et leur rôle dans la cité ;
  • L’expérimentation. L’approche ‘hands-on’, promue dans de nombreuses startups, le démontre chaque jour : au-delà de la théorie, c’est en allant sur le terrain, en rencontrant les parties prenantes et en se confrontant aux frustrations des clients que le déclic s’opère. Sortir de sa zone de confort et partir à la rencontre de ceux qui s’engagent au quotidien pour notre pays viendrait compléter l’approche théorique précédemment décrite.
  • La responsabilisation. Il est confortable d’oublier ses devoirs de citoyen pour se concentrer sur ses droits. Le pacte entre l’Etat et le citoyen passe également par la responsabilisation du collectif, qu’il convient de mettre à l’honneur dès le plus jeune âge.
  • La promotion de l’engagement. La notion de citoyenneté prendra tout son sens lorsque chacun, à son niveau, sera impliqué pour contribuer à une cause qui le dépasse. C’est notamment au travers du don de ce que nous avons de plus précieux – notre temps – que cet engagement pourra voir le jour.

Le Service National Universel, un des futurs projets phares du gouvernement, s’inscrit dans cette démarche. Il convient toutefois d’aller plus loin : la citoyenneté doit se construire et se vivre tout au long de la vie. Il serait dangereux de la considérer comme acquise suite à une première sensibilisation de quelques semaines.

Simone de Beauvoir, dans Le Deuxième Sexe nous rappelait il y a 68 ans qu’« on ne naît pas femme : on le devient ». Il est grand temps de réaliser, individuellement et collectivement, qu’on ne naît pas non plus pleinement conscient de notre citoyenneté et qu’il incombe à chacun de passer du statut de spectateur à celui de citoyen engagé.

Biographie :

 Ingrid Lamri – Présidente ANAJ-IHEDN

Ingrid LAMRI est, depuis deux ans, présidente de l’ANAJ-IHEDN, premier think tank de jeunes sur les questions de défense, de sécurité et de citoyenneté. Parallèlement à cet engagement, Ingrid est chef de cabinet d’un Directeur Général Adjoint d’ENGIE.

Passionnée par les enjeux énergétiques et la protection du patrimoine français, elle est également résolument tournée vers l’innovation et le digital : co-fondatrice d’une startup employant aujourd’hui 20 personnes, Ingrid a été durant près de 3 ans directrice du développement d’une agence de conseil en innovation. Ingrid est diplomée d’HEC Paris et de Sciences Po Paris, officier de réserve dans la Marine nationale et auditrice du Cours Supérieur Interarmes.