« Lettre du soir à ma fille Roxane » par Candice Roussel, MEDEF Seine-et-Marne

déléguée générale du MEDEF Seine-et-Marne

Lettre du soir à ma fille Roxane

Ce soir, nous avons parlé entre femmes.

Toi, accoudée dans ton lit, cernée par tes longues journées d’apprentissage de collégienne mais toujours vive et spontanée du haut de tes douze ans et six mois ; moi, penchée vers toi, à la fois curieuse et soucieuse.

Curieuse de savoir si au cours de ta journée, tes camarades ou tes enseignants et toi aviez parlé de ce moment si spécial pour nous, les femmes. Soucieuse de savoir si tu en saisissais toute sa portée et son caractère exceptionnel. Car aujourd’hui, le lundi 4 mars 2024, les Parlementaires français ont approuvé l’inscription de « la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse » dans l’article 34 de la Loi fondamentale, une première mondiale.

Redressée dans ton lit, interloquée, tu me regardes fière et me lance un « Non, mais attends… c’est carrément évident, je veux dire c’est quand même mon corps, je fais ce que je veux ». Soupir de soulagement de ma part, je peux cocher cette case, ou mettre une pastille verte « compétence acquise », dans mon carnet de parent d’élève.

Mais très vite, un sursaut me prend. « Évident, évident, il faut le dire vite, ma chérie » te répondis-je. « Par exemple, est-ce que tu penses tu pourrais faire n’importe quel métier comme un garçon ? ». Du tac au tac, tu me réponds « Oui, je crois ! … mais je pense qu’en vrai, ce n’est pas simple-simple ».

Ah ! nous y voilà. Le fameux plafond de verre – qui n’a rien à voir avec la pantoufle de la princesse, ma chérie – on y croit mais on n’ose pas. On en rêve mais on se dit que ce n’est pas pour nous.

Cela me rappelle mes débuts dans le conseil en stratégie, spécialisé dans les industries de la défense, notamment aérospatiales. Je ne compte plus les fois où l’on m’a demandé pourquoi ce choix étrange pour une femme de travailler dans un secteur lié aux technologies de pointe et sur des programmes complexes, programmes exclusivement pilotés par des hommes, très souvent issus des rangs des ingénieurs de l’armement. Avec cette question se posaient deux idées reçues : la première disait que les milieux professionnels sont genrés ; la deuxième que je ne pouvais pas avoir la capacité de comprendre des sujets éminemment compliqués car j’étais une femme. Longtemps, je me suis sentie moins experte dans mon domaine que mes collègues hommes. Il faut bien avouer que d’être régulièrement reléguée au rôle de l’assistante d’un binôme masculin, et de devoir justifier que c’était moi l’experte, n’a pas aidé à me donner confiance. Il m’aura fallu du temps, un travail acharné, des rencontres avec des femmes et des hommes extraordinaires, aux parcours exceptionnels, pour m’accompagner, me donner confiance et me faire reconnaître quelques talents professionnels.

Ce soir, je te le dis : oui cela ne sera pas simple-simple, en revanche, cela sera sensationnel ! Plus tu avanceras, plus tu braveras les complexités, les préjugés, les poncifs qui ont la vie dure. La foultitude des inégalités homme/femme que nous continuons de constater n’est qu’un symptôme, la face émergée du sujet. Au commencement, c’est une question de mentalités, d’esprit, de conscience.

Mais au fond de toi, tu le sais déjà. Ce n’est pas un hasard si tu as choisi pour ton exposé de français de t’intéresser à Nellie Bly, nom de plume d’Elizabeth Jane Cochrane, qui devint la première femme grand reporter, pionnière du journalisme d’investigation, et aventurière ayant bouclé un tour du monde en 72 jours en 1889. Pourquoi un tel parcours ? Parce qu’en 1885, le journal américain Pittsburgh Dispatch publiait un article intitulé « What Girls Are Good For » qui prétendait que le travail des femmes ne pouvait être qu’une « monstruosité », la jeune Nellie Bly, révoltée, a alors envoyé une vive critique au rédacteur qui, surpris par son talent, l’a finalement embauchée !

Je te souhaite de vivre cette vie sensationnelle de femme, que je n’échangerai pour rien au monde, pleinement, éprise de libertés, entourée et soutenue inconditionnellement par des personnes qui te considèrent et te respectent. Je te souhaite de devenir qui tu veux et de faire ce qui te rend heureuse sans te soucier du regard des autres, de vivre du job de tes rêves. Surtout, je te souhaite de pouvoir choisir (et la possibilité) d’avoir un ou des enfants, et de pouvoir, en toutes circonstances, décider de ce choix, sans pression, contrainte ou influence aucune.

 

Biographie

Diplômée d’un Master 2 en Défense, Géostratégie et Dynamiques Industrielles de l’Université Paris II – Panthéon Assas, ainsi que d’un Diplôme d’études supérieures de relations internationales de l’IRIS, Candice Roussel a également suivi une formation en tant qu’auditrice IHEDATE (Institut des Hautes Etudes du Développement et de l’Aménagement des Territoires), où elle est promue en 2015 sur le thème « Entreprises et Territoires ».

De 2005 à 2011, elle occupe le poste de senior manager/consultante Industries au sein du Cabinet CEIS, où elle réalise des missions d’analyses stratégiques et de conseil opérationnel pour des entreprises de l’aéronautique, de la défense, du spatial et de la sécurité, ainsi que des laboratoires de R&D et d’innovation. Elle a également pour mission la représentation des intérêts des industries et de leurs programmes, ainsi que des relations institutionnelles.

De 2011 à 2015, elle est directrice adjointe « Secteur public local » au sein du même cabinet, où elle est chargée du développement de l’activité, de la gestion du portefeuille clients et du réseau des partenaires, ainsi que de la direction des projets publics-privés de développement économique et d’innovation. Depuis 2016, elle occupe le poste de déléguée générale du MEDEF Seine-et-Marne, supervisant la gestion administrative, l’équipe, le développement des services aux adhérents, ainsi que les activités de représentation institutionnelle.