« Le potentiel économique de l’espace francophone est à structurer dès aujourd’hui ! » Alexandre Planelles

Paru dans #MagCAPIDF, décembre 2022

Quelles perspectives pour l’espace économique francophone ?

Entretien avec Alexandre Planelles, Directeur général de l’Alliance des patronats francophones

Quel est le poids des économies francophones dans le monde ?

Si l’on se concentre sur les 33 pays qui constituent « l’espace francophone », l’ensemble représente aujourd’hui 7,3% de la population mondiale et 8,7% du PIB mondial. Pour ces pays, le partage du français est créateur de valeur : près de 18% de flux commerciaux supplémentaires en moyenne entre deux pays de l’espace francophone et un gain de 4,2% de richesse par habitant en moyenne.

Lorsque l’on élargie aux 88 États et gouvernements membres et observateurs de l’OIF, ces chiffres augmentent significativement : 17,5% de la population mondiale et 16,5% du Revenu brut mondial.

Quelles perspectives de développement entrevoyez-vous ?

Le potentiel de la francophonie est incroyable. D’ici 2050, le nombre de locuteurs pourrait tripler grâce à la démographie des pays africains. En effet, l’Afrique devrait être dans 30 ans le continent le plus peuplé et abriter 90 % de la jeunesse francophone. Cela fera du français une langue parlée par près de 8 % de la population mondiale (contre 3 % aujourd’hui).

Au vu de ses perspectives, le potentiel économique de cet espace en développement est à structurer dès aujourd’hui pour permettre à tous les pays concernés de bénéficier des retombées économiques de ce « grand marché ».

Depuis sa création en mars 2022, l’Alliance est composée des principales organisations patronales de 28 des 33 pays de l’espace francophone. Nous discutons actuellement avec plusieurs nouveaux membres potentiels pour élargir significativement notre représentativité. Nous allons également commencer à ouvrir l’organisation aux entreprises. Celles-ci pourront devenir « membres associés ».

« La création de cette Alliance a vocation à devenir le bras armé des entreprises francophones. »

Quel bilan dressez-vous des premiers mois d’existence de l’Alliance et de la REF Francophone d’Abidjan ?

L’Alliance s’est fixé des objectifs très ambitieux. En seulement 6 mois d’existence, l’organisation a mis en place 7 groupes de travail thématiques, composés de représentants des différents pays, œuvrant à apporter des solutions aux problématiques qui touchent les secteurs privés dans les domaines des infrastructures, de l’énergie, de la formation professionnelle, de la transition écologique, du numérique, de la libre circulation des biens et des personnes, etc.

Sur les 20 analyses, études et rapports économiques ciblés en mars 2022, 8 ont été présentés lors de la seconde édition de la Rencontre des Entrepreneurs Francophones, fin octobre à Abidjan. L’Alliance avance vite et ne compte pas s’arrêter là. L’étape suivante veillera à s’appuyer sur ces supports afin de mener des actions de lobbying coordonnées auprès des gouvernements et ainsi faire bouger les règlementations. L’objectif est clairement identifié : dynamiser les flux économiques de l’espace francophone.

La création de cette Alliance porte en elle un potentiel puissant et a vocation à devenir le bras armé des entreprises francophones. Notre leitmotiv : prospérer ensemble.

« Il faut miser sur la co-traitance et non plus uniquement la sous-traitance. »

Comment jugez-vous les évolutions réglementaires mises en œuvre dans de nombreux pays africains ?

Les évolutions vont dans le bon sens. L’émergence de fonds souverains, l’essor du mobile money et la finance décentralisée sont des leviers de croissance pour le continent.

L’accord établissant la zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) permettra à terme de stimuler le commerce intra-africain et de faire des affaires plus facilement sur tout le continent. L’émergence de champions nationaux favorisera aussi l’exportation hors du continent des productions et du savoir-faire africain.

Sortir du modèle économique basé sur la rente des matières premières, industrialiser, formaliser le secteur privé et construire un cadre réglementaire commun et solide, tels sont les objectifs qui doivent être visés. Les entreprises de l’espace francophone peuvent accompagner ce développement en apportant des solutions techniques et financières éprouvées, mais surtout en favorisant la co-traitance et non plus uniquement la sous-traitance.

« La force de cet espace réside dans ces leviers d’influence que sont l’économie et l’entrepreneuriat. »

Au-delà de l’outil de réseautage, l’Alliance peut-elle être un lieu de réflexion pour faire émerger de nouveaux modèles de développement ?

C’est même l’objectif premier de l’Alliance et c’est pourquoi nous avons créé ces groupes de travail. Évidemment, la part de réseautage est importante, surtout au début de l’organisation, car les organisations patronales et les entreprises membres commencent uniquement à échanger ensemble sur des sujets stratégiques et à prendre conscience de la puissance collective. Nos rencontres permettent aux entrepreneurs de 4 continents d’échanger leurs bonnes pratiques et de faire des affaires. À terme, nous comptons sur cette collaboration pour devenir une véritable force de proposition auprès des gouvernements, institutionnels et bailleurs internationaux.

L’idée n’est pas de travailler qu’entre entreprises de l’espace francophone mais de capitaliser sur un avantage compétitif non négligeable, une langue commune. Étant unis par ce capital immatériel, ainsi que par des systèmes juridiques convergents, la force de cet espace réside dans ces leviers d’influence que sont l’économie et l’entrepreneuriat. Ils constituent des facteurs de stabilité pour les investissements et un avenir pour la jeunesse. Le partage d’expérience entre les organisations qui composent l’Alliance et la mutualisation de nos expertises est la première pierre vers un modèle de développement commun de nos secteurs privés.

Dans un monde de plus en plus polarisé, où les logiques de blocs régionaux s’accroissent, il est essentiel et urgent de trouver des passerelles pour resserrer nos liens et intensifier notre compétitivité.

 

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